L’histoire des génocides peut-elle empêcher que de nouveaux se produisent ? Les titres des parties et les éléments de méthode apparents sont là pour te guider, tu n’as pas besoin de les préciser lors de l’oral. Introduction Amorce La question de la mémoire est de plus en plus importante dans l’enseignement de l’histoire, notamment vis-à-vis des grands conflits mondiaux du XXème siècle ou de la guerre d’Algérie, ce qui rend indispensable le positionnement des autorités publiques par rapport aux événements du passé, souvent dans la perspective de la construction d’une identité régionale, nationale voire parfois continentale. Explication des termes du sujet Il était nécessaire de trouver une qualification juridique pour désigner l’élimination systématique des communautés juive, slaves et tziganes mise en place par les nazis, lors des procès suivants la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Le terme de génocide est alors adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1948 pour qualifier un crime contre l'humanité tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux : du grec genos, « race », et du latin cide, « tuer », il s’applique aux crimes de la Seconde Guerre Mondiale et aux massacres des Arméniens commis par l’Empire Ottoman durant la Première Guerre Mondiale. Définition des enjeux Cependant, la mémoire des génocides reste compliquée à accepter : en France il faut attendre les années 70 pour que le génocide juif soit pleinement reconnu dans la vie sociale et politique et pour que la parole des rescapés se libère. La récente reconnaissance du génocide arménien par le président américain Joe Biden a provoqué de nouvelles tensions avec la Turquie, qui n’admet par son existence et on peut également citer le cas du génocide rwandais en 1994 qui reste un sujet sensible pour la France. Le passage contesté de la qualification de la situation des Ouïghours en Chine de « répression » à « génocide » suite aux révélations de stérilisations forcées montre que ce terme pose encore problème. Problématique L’histoire des génocides est donc un enjeu propre au XXIe siècle, puisqu’il s’agit de décider ce qui peut porter ce terme plus que fortement connoté ou non, et de prendre des mesures face aux responsables. Nous nous demanderons ici, si faire l’histoire des génocides peut permettre d’éviter que de nouveaux aient lieu ? Annonce du plan Nous étudierons dans un premier temps comment s’est construite l’histoire des génocides au cours du siècle précédent et pourquoi il est important de préciser au maximum le sens de ce terme ; dans un second temps nous montrerons que les grandes puissances n’ont pas réussi à empêcher l’apparition de nouveaux massacres de groupes humains. Développement I. La naissance du concept de génocide dans un contexte d’après-guerre A. Le génocide, un concept juridique Le terme de génocide, qui connaît un usage massif par les médias, reste un concept aux contours flous qu’il faut appréhender avec beaucoup de recul, car il peut être compris dans de nombreux sens. Si l’on veut faire l’histoire des génocides il faut avant tout de chose se pencher sur la définition juridique de cette notion. Un génocide correspond à des actes criminels liés à l’élimination physique des membres d’un groupe. Ces actes sont liés à une intention, une volonté morale d’extermination spécifique qui doit alors être prouvée. Enfin, le crime pour être qualifié de génocide doit s’en prendre à un destinataire particulier, sans distinction quantitative. A la différence du crime contre l’humanité, désignant une attaque de grande ampleur visant des civils, c’est un groupe entier qui est intentionnellement visé par le génocide. Les dirigeants encore en vie du Troisième Reich sont jugés pour crime contre l’humanité lors du procès de Nuremberg de novembre 1945 à octobre 1946, la qualification juridique de génocide n’existant pas encore. Avant d’être un concept historique, le terme de génocide est donc juridique, car la définition adoptée par le Convention de 1948 relève avant tout d’un compromis diplomatique dans un contexte d’après-guerre : pour l’opinion publique, un génocide renvoie directement à la Seconde Guerre Mondiale, en oubliant souvent qu’il ne s’agit pas du premier cas d’élimination systématique et organisée d’un groupe, ni même, malheureusement du dernier. B. La mise en place d’une histoire des génocides L’histoire des génocides permet dans un premier temps de prendre des mesures à l’image des propositions de loi contre les manifestations de racisme ou d’intolérance religieuse, qui sont les premiers facteurs de déclenchement d’un génocide. Il s’agit également de réprimer la pensée négationniste qui s’est développée dès la Seconde Guerre Mondiale, qui considère que le génocide juif n’a jamais existé, et toute minimisation ou approbation. Pour ce faire il faut, cependant, tout d’abord reconnaître les crimes de génocide, qui restent, dans le cas des Arméniens et des Tutsis, encore soumis à de nombreuses polémiques. Comment se mettre d’accord sur la qualification de crime de génocide ? Cela nécessite d’accepter l’intervention des autorités publiques comme gardiennes de valeurs éthiques et morales sur la scène nationale comme internationale. De même, les recherches historiques tendent à étudier un ensemble de cas afin de découvrir leurs éléments communs et d’analyser les processus qui les entraînent. Transition Cependant l’appartenance du concept de génocide au domaine du droit, qui nécessite l’intervention d’une autorité publique dans l’histoire au nom de la paix et des règles sociales se heurte à cette dernière. L’histoire en effet définie comme un discours scientifique produit par l’historien s’oppose à toute intervention législative. Cette difficulté explique pourquoi l’application du terme de génocide est contestée tout comme la répression du négationnisme, l’une et l’autre se retrouvant confrontées à la délimitation de la liberté d’expression. II. Une application difficile du concept de génocide A. Les enjeux liés à la reconnaissance d’un génocide La reconnaissance d’un crime génocide est un enjeu politique et symbolique d’une certaine importance, qui peut être soumis à différentes autorités politiques comme le Parlement ou l’Assemblée générale des Nation Unies, et judiciaires comme une juridiction internationale. Actuellement, trois génocides sont reconnus par des autorités judiciaires au niveau international : le génocide des Juifs, le génocide des Tutsis et le génocide commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie à l’encontre de civils bosniaques en 1995. Récemment, la mise en évidence de l’implication française dans le génocide rwandais (massacre de la population Tutsis par les Hutus) illustre bien qu’il reste beaucoup de non-dits notamment de la part des anciennes puissances coloniales. Le Rwanda étant une ancienne colonie belge. On peut aussi citer le cas du commandant en chef de l’armée de la République Serbe de Bosnie, Ratko Mladic, qui a été reconnu coupable de génocide et de crime contre l’humanité par le Tribunal pénal international en 2017 pour ses exactions en ex-Yougoslavie. Si les responsables du génocide juif de la Seconde Guerre Mondiale ont presque tous disparu, ceux des crimes commis à la fin du XXème siècle sont encore en vie et échappent à la juridiction, du fait, à la fois, des alliances politiques qui les protègent et du besoin de preuves de l’existence du génocide qui sont parfois compliquées à apporter. B. Les oppositions au concept de génocide et le négationnisme La reconnaissance d’un crime de génocide passe également, de manière indirecte, par la prise en compte de la responsabilité des autorités publiques. Cela peut passer par le dédommagement des individus spoliés mais aussi par l’établissement des faits et la reconnaissance officielle de la participation des autorités aux persécutions et aux déportations. Dans le cas du génocide juif : de nombreuses études scientifiques sont en cours et on assiste par exemple à des restaurations d’œuvres d’art à des familles volées pendant la guerre. Le négationnisme est une des conséquences d’un génocide, qui dans le cas de la Seconde Guerre Mondiale, a fait son apparition avant même l’invention du terme génocide, dès les premiers échos des exactions des camps de concentration. On peut définir le négationnisme comme un système de déni appliqué au crime de génocide, qui constitue une forme symbolique de violence vis-à-vis des victimes. La législation cherche à la punir tout en essayant de trouver une limite compatible avec la liberté d’expression. Deux exemples illustrent que l’histoire des génocides, tant elle reste floue, ne peut pas empêcher que de nouveaux se produisent. Tout d’abord le massacre des Arméniens, au cours duquel plus d’un million de personnes vont perdre la vie entre 1915 et 1923 du fait de déportations, famines et massacres planifiées et exécutés par les officiers à la tête de l’Empire ottoman suscite de vives polémiques et ne rencontre toujours pas à l’échelle internationale, la qualification de génocide. Cette question reste très politisée et liée aux relations de différents pays avec la Turquie. De même, la distinction établie par la Cour Européenne des droits de l’homme en 2015 avec le génocide juif, refusant au génocide arménien le caractère de « fait historique clairement établi » montre que des évènements à priori relevant de la même définition peuvent faire l’objet de traitement différencié. Le second exemple concerne le cas des Ouïghours, ethnie musulmane rattachée à la Chine au XVIIème siècle et dont la culture n’est pas chinoise. Après le 11 septembre 2001, la Chine lance une politique d’internement et de répression censée lutter contre le djihadisme mais qui s’attaque de fait directement à la culture ouïghoure et ses habitants en établissant des « camps de rééducation ». On parle officiellement de génocide depuis les révélations de contrôle des naissances par la stérilisation forcée, ce qui constitue un critère de génocide selon la Convention de 1948. Cependant l’État chinois réfute fortement l’usage de ce terme en invoquant une lutte contre le séparatisme et le terrorisme islamique et les sanctions internationales sont encore inexistantes, sauf pour les États-Unis, bien que des déclarations de condamnation commencent à apparaître. Conclusion : Bilan L’histoire des génocides est paradoxale : alors que nous sommes encore en train de punir les coupables et de rendre justice aux familles victimes du génocide juif, et malgré un monde hyper connecté où l’information circule rapidement, la reconnaissance d’autres génocides qu’ils soient en cours ou terminés, fait encore l’objet de débats qui empêchent une bonne coopération internationale permettant le respect des droits de l’homme. On peut noter que certains critères établis par la Convention de 1948 doivent être élargi : dans le cas des Ouïghours, en plus d’une extermination programmée, ces crimes relèvent d’un « génocide culturel » ou d’ethnocide, visant à aliéner une culture au profit d’une autre. Les peuples obéissants chacun à une culture propre, toute tentative de suppression devrait apparaître comme critère de crime de génocide. Ouverture La réponse du président turc Erdogan à la reconnaissance du génocide arménien par Joe Biden, premier président américain à le faire, qui parle « d’impact destructeur de ces propos pour les relations entre les deux pays » (Le Monde), est emblématique du caractère géopolitique que revêt la reconnaissance des génocides. Questions du jury 2e partie du Grand Oral : approfondir, reformuler, répondre à une objection (10 min) Les questions du jury et les réponses apportées sont des suggestions. Nous te conseillons de t’inspirer de la démarche et de la méthode pour le jour J, il n’est pas intéressant de les apprendre par cœur. En ce qui concerne les questions portant sur le projet d’études et professionnel, réfléchis-y en amont, tu auras forcément une question dessus ! Conseils : Prends le temps d’écouter la question pour ne pas répondre à côté ; Prends une minute avant de répondre pour montrer au jury que vous êtes capable de rebondir en réfléchissant et en sélectionnant ce qui est le plus pertinent pour répondre à la question ; Pense toujours à argumenter, à donner un ou plusieurs exemple(s), et à t’approprier la question. Comment empêcher que de nouveaux génocides se produisent ? En faisant respecter les droits de l’homme et en appliquant des sanctions strictes vis-à-vis du négationnisme. Peut-on réellement parler d’une « histoire des génocides » ? Oui et non. Le terme histoire est à nuancer car il semble renvoyer à quelque chose de passé et nous avons vu que ce n’était pas le cas. Cependant faire l’histoire des génocides passés permet d’établir des raisonnements historiques qui peuvent aider à définir un génocide et à mettre en place des mesures pour empêcher que d’autres se produisent. Pouvez-vous donner des exemples de sensibilisation au génocide ? Le mémorial de la Shoah et les nombreux témoignages de survivants de génocide dont certains sont très récents comme dans le cas du génocide rwandais. 3e partie du Grand Oral : Projet d’étude et avenir professionnel (5 min) Pouvez-vous nous en dire plus sur votre projet professionnel / d’études ? En quoi sera-t-il lié à l’Histoire ? Nous te conseillons de réfléchir à une réponse à ce type de questions, tu en auras forcément une !