Dissertation :
La connaissance de soi repose-t-elle sur l’observation ?
Introduction
Définitions des termes du sujet :
Le sujet désigne l’individu en tant qu’il est conscient de lui-même, possède une identité et des propriétés. Le terme « sujet » provient du latin et signifie : ce qui est jeté en-dessous. Cela fait signe vers l’intériorité et indique que ce qui relève du sujet précède le reste des propriétés de l’individu, se tient « sous elles », les reçoit comme un support. En philosophie on oppose le sujet et l’objet : ce qui est jeté devant, ce qui se tient au dehors. Un objet est un être possédant une existence réelle et qui peut être perçu ou conçu par un sujet. Un sujet peut être perçu comme objet, par exemple objet de perception, par un autre sujet.
L’observation est une des étapes fondamentales de la science et de la recherche scientifique. L’observation des choses est la base de la connaissance et c’est à partir de l’observation que se construit la connaissance. Si on la ramène à la notion de sujet, l’observation désigne l’observation de soi, de son for intérieur, de son âme et de son corps. Se connaitre soi-même au moyen de l’observation implique d’être conscient d’être soi et qui on est et également avoir une conscience vraie de qui nous sommes. Le sujet repose sur le présupposé selon lequel l’homme est capable de s’observer lui-même, autrement dit de se considérer lui-même comme un objet d’observation.
Problématique :
L’homme peut-il s’extraire de lui-même et s’observer en tant qu’objet et ainsi apprendre à se connaitre ?
Annonce du plan :
Nous étudierons dans une première partie l’hypothèse selon laquelle la connaissance de soi repose sur l’observation, à travers la conscience de soi, hypothèse qui implique que l’homme soit capable de s’observer lui-même comme un objet extérieur. Dans une deuxième partie nous verrons que cette connaissance transmise par notre conscience et l’observation de nous-même est biaisée et incomplète et que la connaissance de soi ne peut passer uniquement par l’observation de soi. Enfin, dans une troisième partie nous nous demanderons si d’autres éléments que l’observation ne peuvent pas participer à la connaissance de soi.
Partie 1 : L’homme peut se connaitre lui-même au moyen de l’observation
Annonce de l’idée générale de la partie :
Dans un premier temps nous nous intéressons à l’hypothèse selon laquelle l’homme peut apprendre à se connaitre lui-même au moyen de l’observation.
Argument A :
Je peux me connaitre au moyen de l’observation car je suis conscience d’être moi, un être pensant, c’est d’ailleurs ce que Descartes résume par la célèbre affirmation « je pense donc je suis ». On trouve pour la première fois chez Descartes l’idée que l’être humain possède la faculté de connaitre par lui-même ce qui se passe en lui. Dans Principe de la philosophie, publié en 1644, il écrit : « Par le mot de pensée j’entends tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous en avons conscience. » La conscience dont il est question ici est un niveau de conscience réfléchie, qui désigne le fait de « rassembler ses esprits », comme par exemple le fait de se remémorer un évènement pour réfléchir à la situation. La conscience réfléchie peut avoir pour objet soit le monde extérieur, soit le monde intérieur, c’est-à-dire ce qu’il se passe en nous-même.
Argument B :
L’homme est donc conscient de lui-même et des mécanismes de pensée et d’action qui se passent en lui ou que connait son corps, il peut donc se connaitre lui-même en s’observant.
Mais une telle possibilité implique la capacité de s’observer en tant qu’objet, de s’extraire de son corps pour se regarder soi-même. A-t-on, en tant qu’être humain cette faculté ?
Il nous arrive en effet de se positionner comme des observateurs de nous-mêmes, c’est notamment ce qui se joue lorsque l’on dit « je suis fier de moi » ou au contraire « j’ai honte de moi ». Quand je me regarde agir quand je fais une bonne action, aider une personne qui en a besoin dans la rue par exemple, je peux me regarder agir et conclure que je suis une personne généreuse et bienveillante. A l’inverse quand je me mets en colère, je peux a posteriori revivre la scène et m’en vouloir de m’être emporté et conclure que je suis une personne nerveuse et impulsive et que j’ai mal agi.
Transition :
Cependant, suis-je capable de m’observer moi-même à tout moment ?
Partie 2 : L’homme ne peut se connaitre lui-même au moyen de l’observation
Annonce de l’idée générale de la partie :
Dans une deuxième partie nous verrons que la connaissance transmise par notre conscience et l’observation de nous-même est imparfaite.
Argument A :
Je ne suis pas toujours ni dans toutes les situations capables de m’observer moi-même. Dans certaines situations, je suis inconscient. Quand je dors par exemple je ne suis pas en état de conscience réfléchie et je ne suis pas capable d’observer ce qui se passe en moi. Si je suis ivre, ou que j’ai pris des médicaments qui altèrent mon état de conscience, je ne suis plus non plus en état de m’auto observer et je peux ne pas me souvenir de certaines choses ce qui m’empêche de les observer a posteriori.
Argument B :
Un autre élément vient « perturber » la connaissance de soi par l’auto-observation. Quand je m’observe je suis à la fois sujet et objet. Il y a comme un conflit d’intérêt entre l’observé et l’observateur. Mon ignorance ou ma connaissance partielle peut créer des illusions. Je peux penser que j’ai faim alors que je n’ai pas vraiment faim simplement parce que depuis l’enfance on m’a habitué à manger certains aliments à certaines heures. Nous croyons choisir librement tel plat plutôt que tel autre, mais nous sommes en réalité déterminés par un mécanisme corporel qui crée la faim et par notre éducation qui nous a déterminé à apprécier tel goût plutôt que tel autre. On peut faire le même raisonnement pour nos goûts musicaux ou cinématographiques.
Transition
Ainsi l’auto-observation ne peut pas nous permettre de nous connaitre nous-même totalement. Pour nous connaitre nous avons également besoin d’autrui, d’un autre moi, autre que moi.
Partie 3 : La connaissance de soi nécessite d’autres éléments que l’auto-observation
Annonce de l’idée générale de la partie :
Dans une troisième partie nous verrons que la connaissance de soi peut passer par d’autres éléments que l’observation de soi.
Argument A :
Avant quatre ans, nous n’avons pas vraiment de souvenirs de notre vie, pourtant ce qui se passe dans les premières années de notre vie est essentiel à notre construction en tant qu’individu. Ces quatre années constituent donc une « perte de données » importante dans la recherche de la connaissance de soi. Pour pallier à ce manque, ce que nos parents, grands-parents, frères et sœurs, peuvent nous dire de nous bébé et enfant est essentiel et nous apportent des connaissances très utiles.
Argument B :
Afin de mieux comprendre ce qui se joue dans notre inconscient la psychanalyse est aussi un outil intéressant. D’après la théorie élaborée par Sigmund Freud, l’inconscient est une partie du psychisme humain qui peut influencer nos actions et nos représentations sans que nous en ayons conscience. Nous croyons connaître nos désirs, mais de nombreux symptômes corporels sont inexplicables sans l’hypothèse de l’inconscient qui suppose l’existence de désirs inaccessibles à la conscience. La connaissance qu’offre la psychanalyse détruit l’illusion de la transparence de l’intériorité. Nous ne pouvons pas nous connaitre nous-même uniquement en nous observant, car certains aspects de nous-mêmes sont obscurs et enfouis profondément dans notre inconscient. L’outil psychanalytique permet d’aller à la rencontre de ces parties de nous.
Conclusion
En conclusion, nous pouvons dire que l’observation est un élément majeur de la connaissance de soi. Cependant il n’est ni exhaustif, ni infaillible, et se connaitre soi-même nécessite également des rapports avec autrui, et l’acceptation de parts inconscientes que l’on peut analyser au moyen de la psychanalyse.