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Suis-je ce que j'ai conscience d'être ?

NOTIONS : LE SUJET - LA CONSCIENCE - L’INCONSCIENT

Introduction

Analyse des termes du sujet : définitions et distinctions

La conscience est la faculté de se représenter quelque chose : le monde est présent et la conscience le re-présente, une seconde fois, en nous, « dans notre tête ». Un être privé de conscience comme une pierre fait partie du monde sans en avoir la représentation intérieure. A l’inverse, « je » suis à la fois un objet du monde, un être parmi les autres avec ses caractéristiques physiques et sociales, et le sujet du flux de conscience qui représente tous ces objets. La conscience subjective se distingue cependant de la connaissance objective de quelque chose : il y a connaissance lorsque la représentation que nous avons est adéquate à la réalité extérieure, sans rien ajouter ou retrancher.

Première hypothèse

A première vue, nous sommes les mieux placés pour nous connaître, puisque nous seuls avons conscience de nos sensations, sentiments ou pensées, tandis que les autres n’y ont pas accès. Les autres peuvent par exemple me croire courageux, mais au fond de moi je sais que j’ai peur et je suis le seul à avoir accès à cette vérité sur moi-même. On peut donc supposer que je suis ce que j’ai conscience d’être.

Deuxième hypothèse

Cependant, je peux me tromper sur moi-même : je peux par exemple être persuadé d’être courageux, puis, confronté à une situation de danger, révéler ma lâcheté. En effet, nous avons intérêt à avoir une bonne image de nous-mêmes . Les autres semblent alors mieux placés pour nous connaître car ils sont plus objectifs.

Problématique

Cette question pose donc problème car on ne sait pas si ma conscience me fournit une image juste de moi-même. D’un côté, je suis le seul témoin de mon intériorité, de l’autre, je suis le regard le moins objectif sur moi-même. La conscience de soi est-elle une connaissance de soi ?

Enjeux

Cette question a des enjeux existentiels et scientifique car il s’agit de savoir qui possède la vérité sur nous-même (nous ou les scientifiques ?) : or cette connaissance est nécessaire à la maîtrise de soi.

Annonce de plan

Dans un premier temps, nous étudierons la première hypothèse selon laquelle oui, nous sommes ce que nous avons conscience d’être car nous sommes avant tout des êtres pensants. Dans un deuxième temps, nous étudierons la seconde hypothèse selon laquelle la conscience est source d’illusions sur nous-mêmes. Enfin nous essayerons de sortir de ce problème en essayant de comprendre à quelles conditions on peut faire coïncider conscience et connaissance.

Première partie - Hypothèse 1

La connaissance de soi comme sujet par la conscience réfléchie

Argument 1

Parce que nous sommes les seuls témoins de notre intériorité : il peut y avoir un écart entre l’expression de mes sentiments et de mes idées et leur réalité, à laquelle seule la conscience donne accès.

Exemple 1

Un gouvernement autoritaire peut forcer un individu à abjurer extérieurement sa foi religieuse ou politique, mais sa conscience intérieure peut rester intacte (c’est ce qui est arrivé aux chrétiens sous l’Empire Romain ou aux Juifs marranes sous l’Empire espagnol)

Argument 2

Parce que nous pouvons dépasser les insuffisances de la conscience spontanée par la conscience réfléchie qui m’apporte la connaissance de mon essence. Je peux me tromper sur tel ou tel aspects de moi-même (suis-je courageux ou lâche?), mais je ne peux pas me tromper sur ce que je suis essentiellement, à savoir un être pensant.

Exemple 2

Pour les scientifiques, « je » suis un ensemble de cellules, de synapses ou d’atomes, ou encore le membre d’une classe sociale particulière ; mais pour la conscience réfléchie, je suis un être pensant, et personne d’autre ne peut me donner cette vérité sur moi-même.

Référence

Dans la seconde des Méditations métaphysiques, Descartes a une méthode qui transforme la simple introspection en véritable connaissance : par le doute méthodique, il écarte systématiquement toutes les représentations qui ne pourraient ne pas être adéquates à la réalité extérieure, et parvient ainsi à la connaissance de soi comme sujet pensant. Lorsqu’il affirme « je suis une chose qui pense », il y a adéquation de la conscience subjective et de la connaissance objective de soi.

Transition

Bilan (reprise des termes du sujet et réponse provisoire au problème)

Je suis ce que j’ai conscience d’être car je suis d’abord un être pensant, et moi seul ait accès à ma propre pensée : les regards extérieurs sur moi-même peuvent être plus objectifs mais ils n’accèdent pas à ce niveau d’intériorité.

Objection

Mais cette thèse pose problème car elle réduit mon identité la pure capacité de pensée. Je ne suis pas qu'une substance pensante : j'ai un corps, des désirs, une histoire, bref je suis aussi un individu singulier. Puis-je parvenir, par la seule introspection, à la connaissance de mon identité personnelle ?

Deuxième partie - Hypothèse 2

La connaissance objective du moi contre les illusions de la conscience de soi

Argument 1

Parce que nous croyons nous connaître, mais notre ignorance entraîne de nombreuses illusions sur nous-mêmes. En particulier, nous croyons être libre simplement parce que nous avons conscience de nos désirs sans avoir conscience des causes qui les déterminent. La connaissance objective des lois de la nature détruit l’illusion de la liberté d’action.

Exemple 1

Nous croyons choisir librement tel plat plutôt que tel autre, mais nous sommes en réalité déterminé par un mécanisme corporel qui crée la faim et par notre éducation qui nous a déterminé à apprécier tel goût plutôt que tel autre. On peut faire le même raisonnement pour nos goûts musicaux ou cinématographiques.

Argument 2

Parce que nous croyons être au moins maître de nos pensées, mais celles-ci sont déterminées par l’idéologie dominante dans notre société et par la place que nous occupons dans celle-ci. La connaissance objective des lois économiques et sociales détruit l’illusion de la liberté de pensée.

Exemple 2

Je crois être un bon travailleur alors que je suis, selon ma position dans le processus de production, un exploité ou un exploiteur.

Argument 3

Parce que nous croyons connaître nos désirs, mais de nombreux symptômes corporels sont inexplicables sans l’hypothèse de l’inconscient qui suppose l’existence de désirs inaccessibles à la conscience. La connaissance qu’offre la psychanalyse détruit l’illusion de la transparence de l’intériorité.

Exemple 3

Certaines pathologies psychiques qui se traduisent par des symptômes physiques comme la perte d’appétit ou des paralysies partielles sont guéries par l’expression de désirs demeurés auparavant inconscients. La cure psychanalytique est nécessaire pour parvenir à cette expression, la conscience seule ne suffit pas

Référence

  • Cf Spinoza, Lettre VIII : « les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des cause qui les déterminent. »
  • Cf Marx, Critique de l'économie politique : « ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience »
  • Cf Freud, L'inquiétante étrangeté et autres essais : « Le moi n'est pas maître dans sa propre maison »

Transition

Bilan (reprise des termes du sujet et réponse provisoire au problème)

La connaissance objective des lois de la nature, l’étude des déterminismes sociaux et l’analyse de nos désirs inconscients montre que la simple conscience est source de nombreuses illusions sur nous-mêmes.

Objection

Mais cette thèse pose également problème car elle implique l’individu ne peut pas accéder à la connaissance de soi, donc à la maîtrise de soi nécessaire à la prise de décisions libres. Peut-on surmonter les illusions de la conscience de soi ?

Troisième partie - Sortie du problème

Une identité en devenir : je peux apprendre ce que je suis et devenir ce que je pense être

Argument 1

Parce que il est vrai que nous ignorons les causes qui conditionnent nos choix, mais connaître ce qui nous détermine transforme nos désirs.

Exemple 1

Si je découvre que c’est la publicité qui conditionne mes pulsions consommatrices, cela peut créer le désir de ne plus en voir et m’amener à changer mes habitudes

Argument 2

Parce que notre position sociale détermine au moins en partie nos pensées, mais la pratique politique peut nous permettre de modifier cette position et donc nos pensées

Exemple 2

Un homme peut penser être supérieur aux femme parce qu’il occupe une position sociale dominante, mais une transformation politique qui s’attaque aux privilèges masculins par exemple en dénonçant des agressions sexuelles habituellement impunies peut modifier cette idée.

Argument 3

Parce que beaucoup de nos désirs sont inconscients, mais la parole peut nous permettre d’exprimer ces désirs et donc d’en prendre conscience.

Exemple 3

Freud explique comment le dispositif de la cure analytique permet aux patients de retrouver la maîtrise de leur corps et de leur esprit en les faisant parler.

Référence

  • Spinoza, dans le livre V de L’Ethique, explique comment la connaissance devient source de puissance
  • Marx, dans Le manifeste du parti communiste, explique comment s’organiser pour modifier les structures sociales à l’origine des illusions idéologiques.
  • Freud explique dans de nombreux ouvrages comment la cure psychanalytique permet au patient de retrouver la maîtrise de son corps et de son psychisme.

Conclusion

Résumé des trois parties

Nous avons d’abord montré que par la conscience nous étions les seuls à avoir accès à notre intériorité, et que cette intériorité renfermait une vérité sur nous-même. Je suis un être pensant et cette vérité m’est donnée par la conscience réflexive. Mais nous avons ensuite montré que la conscience était également source de nombreuses illusions, qui étaient détruites par la connaissance objective des lois de la nature, l’étude des mécanismes sociaux ou l’analyse de notre inconscient. C’est pourquoi dans un dernier moment nous avons voulu expliquer comment nous pouvions faire coïncider conscience et connaissance de soi par l’apprentissage, l’action politique ou la parole.

Enjeux de la réponse proposée

Si nous prenons cette réponse au sérieux, les conséquences sont que la conscience réflexive est au fondement de la connaissance de soi et donc de notre liberté, mais qu’elle ne suffit pas et qu’il faut combattre les illusions dont elle est la source par une connaissance méthodique qui consiste à nous prendre nous-même comme objet.

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