La science
Science
Du latin scientia, "connaissance". Au sens strict, la science désigne l’ensemble des connaissances d’un domaine en particulier. Au sens général, la science désigne l’ensemble des connaissances humaines acquises par une méthode et des instruments de mesures particuliers.
Mais si la science vise à une connaissance parfaite et absolue de la réalité, est-elle nécessairement objective ? N’y a-t-il qu’une seule manière de lire le réel dont la science serait l’instrument de lecture ?
La science doit-elle viser l’objectivité ? Peut-on penser une science non-objective ?
Quel rôle les valeurs jouent en science ? La raison peut-elle tout connaître ? La raison peut-elle déchiffrer le réel ?
Le réel est-il rationnel ? Le réel n’est-il pas le résultat de la manière dont on l’observe ? La rationalité du réel n’est-elle qu’un voile rassurant l’homme ?
Peut-on expérimenter en sciences humaines ?
Concepts
Vérité
Sens commun : la vérité est la correspondance entre ce qui est dit et ce qui est en dehors de moi. Ainsi énoncer un discours vrai c’est énoncer un discours qui correspond à la réalité et donc qui décrit le réel. Donc la science doit dire vrai pour bien décrire le réel.
En philosophie la vérité est ce qui doit attirer toute l’attention des hommes puisqu’elle est ce vers quoi ils doivent tous tendre.
Théorie
Ensemble organisé de principes, de règles, de lois scientifiques visant à décrire et à expliquer un ensemble de faits.
Principe
Un principe est une loi, posée sans démonstration, qu’aucune expérience n’a invalidée.
Loi
Une loi est un postulat basé sur des observations expérimentales répétées qui décrivent certains aspects de l’univers.
Expérience
Une expérience en science est une interaction avec l’environnement destinée à vérifier une hypothèse dans le cadre d’une théorie.
Observation
L’observation est l’une des manières de prouver une théorie scientifique, elle désigne une expérience de recueil d’accumulation d’informations sur un phénomène ou un objet d’étude dans le cadre de la validation ou de l’invalidation d’une théorie.
Déduction
Raisonnement en logique qui prend pour point de départ des principes et qui émet des hypothèses et qui, en déroulant les conséquences logiques de ses postulats, aboutit à une conclusion. Cette conclusion peut donner lieu à une observation pour valider ou invalider le raisonnement. Ce raisonnement descend d'une loi générale vers les faits particuliers.
Induction
Raisonnement en logique qui prend pour point de départ une observation et qui tente de l’expliquer par la construction d’une théorie. Ce raisonnement remonte des faits particuliers à la loi générale.
Critère rationnel
Critère qui permet de faire un choix rationnel lorsque les scientifiques doivent choisir entre différentes théories. Thomas Kuhn parle notamment de la simplicité, plus une théorie est simple, plus elle aura de chances d’être vraie et donc d’être une bonne théorie.
Paradigme
Ensemble d’éléments épistémologique, théorique et conceptuel cohérents qui servent de cadre de référence à une communauté scientifique. Autrement dit, un paradigme est une manière de lire la réalité. Changer de paradigme revient métaphoriquement à changer de lunette avec lesquelles on regarde le monde.
Epistémologie
Science qui étudie elle-même de manière critique les autres sciences et la recherche scientifique en tentant de déterminer leurs origines, leur portée et leur fonctionnement. L’épistémologie se posera par exemple la question de savoir si, entre deux théories expliquant les mêmes phénomènes, laquelle est la plus vraie.
Phénomène
Fait observé dans son déroulement ou comme manifestation ou conséquence d’un autre phénomène.
Prédiction
Énoncé portant sur le futur et qui prédit l’avènement d’un événement en se basant sur des lois elles-mêmes tirées d’une théorie. Si un astronome annonce une éclipse solaire, cet énoncé est une prédiction.
Idéalisme
Courant de pensée qui considère que le réel est structuré par quelque chose de nature spirituelle ayant trait aux idées.
Rationalisme
Courant de pensée qui pose que la connaissance repose sur la raison et non sur les sens. Il s’oppose à l’empirisme.
Empirisme
Du grec empeiria, qui signifie "expérience" :
Courant de pensée qui pose que la connaissance repose sur l’expérience et les sens. Il s’oppose au rationalisme.
Immatérialisme
Doctrine métaphysique niant l’existence de la matière au profit de celle de l’esprit. Les auteurs immatérialistes pensent ainsi que tout est perception mais qu’en dehors de la perception aucun monde matériel n’existe.
Repères utiles
Objectif / Subjectif / Intersubjectif
Est objectif ce qui se rapporte à l’objet de la connaissance. En ce sens, un jugement est objectif quand il ne dépend pas, relativement à son contenu de la personne qui le prononce ; il tend donc à être universel. Les vérités mathématiques sont un modèle de vérités objectives : quelle que soit la personne qui l’affirme, deux et deux font toujours quatre.
Est subjectif un jugement qui se rapporte au sujet de la connaissance. En ce sens un jugement est subjectif quand il relève de la personnalité de celui qui le prononce ; il tend donc à être relatif. « Je trouve que ce plat est bon. » est un jugement subjectif.
Est intersubjectif tout ce qui concerne les relations de personne à personne. Le fait qu’il y ait intersubjectivité signifie que l’être humain n’est jamais seul au monde, mais toujours déjà en relation avec les autres. Confronter sa pensée à celle des autres, dans la recherche scientifique et philosophique, mais aussi dans le domaine moral et esthétique montre le rôle de l’intersubjectivité dans la visée de l’universel.
Dans le domaine de l’esthétique, par exemple, la question peut se poser de savoir si le jugement de goût est objectif, ou bien si l’appréciation d’une œuvre d’art relève de la subjectivité, c’est-à-dire des préférences individuelles. Mais à partir du moment où le jugement de goût fait l’objet d’une discussion qui met en relation plusieurs personnes (au moins deux, qui se demandent par exemple si telle œuvre d’art est belle), et que la parole est mobilisée par chacun pour défendre sa position, on entre dans le domaine de l’intersubjectivité.
La science quant à elle tend à l’objectivité en se basant sur l’intersubjectivité des scientifiques qui ne sont jamais absolument neutres mais qui discutent et font converger leurs avis dans le sens d’un consensus.
Absolu / Relatif
Est absolu ce qui est indépendant et ne varie pas. Est relatif ce qui dépend d'autre chose et varie en fonction de cette chose.
En nous référant aux termes relatif et absolu nous pouvons distinguer la vérité de l’opinion. L’opinion est relative, puisqu’elle dépend de la subjectivité de l’individu. Le sophiste Protagoras affirme que toute connaissance est relative et relève de l’opinion. Mais le philosophe qui s’y oppose défend l’existence de la vérité qui, quant à elle, vaut absolument, c’est-à-dire indépendamment des caractéristiques de l’individu qui la prononce. Les vérités mathématiques, parce qu’elles sont les mêmes pour tous, sont, par exemple, absolues.
Ainsi la question de savoir si la science est absolue, indépendante de nos perceptions et interprétations ou relative et dépendant de chaque perception individuelle, est une question majeure en épistémologie.
Croire / Savoir
Croire signifie tenir une chose pour vraie, sans être capable de la prouver ou de la démontrer. La croyance est ainsi subjective, et peut être sujette au doute, à l’incertitude et même se révéler fausse. Savoir signifie adhérer à une idée, tout en étant certain qu’elle est vraie. Contrairement à la croyance, le savoir est solide car fondé et donc objectif. C’est la raison pour laquelle la sagesse de Socrate réside dans le fait, qu’à la différence de ses adversaires, il ne croit pas savoir ce qu’il ne sait pas. Dit autrement, Socrate sait qu’il ne sait pas.
Le problème se pose en philosophie de déterminer les domaines qui permettent l’accès à un savoir authentique, par distinction avec ceux qui relèvent de la croyance. La science tend vers la savoir et veut se dégager de la croyance, qui n’est pas rationnelle.
Théorie / Pratique
Une théorie est un énoncé établi au moyen de la pensée uniquement et qui par conséquent qui traite de l’universel et du général. Est pratique ce qui est établi par l’expérience et la confrontation aux cas particuliers.
De la même manière dont on oppose connaissance et fait, on oppose théorie et pratique. Seulement il y a une complémentarité dans ce diptyque puisque la connaissance générale et universelle vient en fait de l’expérience sur des cas particuliers.
Universel / Général / Particulier / Singulier
Est universel ce qui vaut en tout temps et en tout lieu. C’est en ce sens que les vérités scientifiques sont universelles : partout et toujours, la loi de la chute des corps sera observée. Est général ce qui vaut pour la majorité des cas, mais qui peut souffrir d’exceptions. Est particulier ce qui appartient seulement à une classe d’êtres. "Certains hommes sont des grands artistes" est une vérité particulière. Est singulier ce qui ne vaut que pour un individu. "Mozart est un compositeur de génie" est une proposition singulière.
La science en tant qu’elle est une connaissance qui se veut absolue est universelle, mais en réalité elle traite les cas particuliers et singuliers pour tenter d’établir des lois qui tendent vers l’universel tout en restant générales.
Vrai / Probable / Certain
Est vrai ce qui est effectif en toute circonstance, qui présente une certaine nécessité dans son existence. Est probable ce qui peut être vrai mais qui a plus de chances d’être vrai. Le probable relève de la contingence. Est certain ce qui est indubitable et qui adviendra nécessairement. Un événement certain est un événement dont la probabilité de succès est de 100%.
En science il est très difficile d’affirmer qu’une théorie soit vraie à 100%. Une théorie scientifique n’est jamais totalement vraie, les lois et énoncés qui la composent varient en fonction des observations réalisées. Ainsi la science progresse et les lois et théories qui étaient certaines deviennent des théories probables et se modifient à la marge.
Auteur(s)
Thomas KUHN
La structure des révolutions scientifique, 1962
Dans cet ouvrage Kuhn propose une conception cyclique des révolutions scientifiques.
Il met en évidence trois temps de la révolution scientifique :
Kuhn révolutionne la vision que l’on a de la science puisqu’il la présente déliée du progrès. Le passage d’un paradigme à un autre n’est pas un progrès. En effet, le changement de paradigme rend la comparaison impossible et oblige les scientifiques à relire le réel avec les outils que le nouveau paradigme propose.
Aussi, Kuhn introduit l’idée selon laquelle le choix entre les théories que font les scientifiques, que l’on appelle choix inter-théorique, ne se fait pas uniquement de manière rationnelle mais qu’il y a une part de subjectivité dans le choix. Ainsi il renonce à un empirisme logique voulant que la science suive un progrès constant et rectiligne. En effet selon Kuhn la culture du scientifique, s’il est pratiquant ou non par exemple, entrera en considération lors de l’élaboration d’une théorie. Ainsi il favorise une sorte de relativisme historique.
Karl POPPER
S’opposant au critère de "vérifiabilité", Popper pose comme critère de scientificité d’une théorie la "falsifiabilité". Une proposition est falsifiable ou réfutable, si l’on peut montrer par l’expérience ou la démonstration qu’elle est vraie ou fausse. Le falsificationnisme est le courant de pensée associé à ce critère.
À l’inverse, une proposition irréfutable n’est pas scientifique. Popper parle alors de "pseudo-sciences", il prend l’exemple de l’astrologie en montrant que peu importe la critique faite à une proposition astrologie, par exemple qu’elle ne correspond pas au réel, l’astrologue aura une réponse, telle que : si la proposition ne correspond pas au réel c’est qu’elle désigne un futur plus ou moins proche.
Cercle de Vienne (1925 – 1936)
Le cercle de Vienne est un groupe de philosophes et de scientifique s’accordant sur une conception "néo-positiviste" de la connaissance. Autrement dit, la connaissance du monde doit se faire à travers l’expérience, seul les énoncés empiriques portant sur des faits ou des énoncés logiques peuvent avoir un sens et être qualifiés de "vrais".
François BACON
L’objectif de Bacon est de garantir à la connaissance un fondement rationnel. Selon lui la connaissance a pour but de découvrir les principes cachés de la nature et qu’il appelle les "formes".