Dissertation
:
Est-ce par crainte que l’on se soumet à l’Etat ?
Amorce :
l’écrivain Paul Valéry écrit « Si l’Etat est fort, il nous écrase, s’il est faible, nous périssons. » dans Regards sur le monde actuel en 1931. Cette citation nous amène à nous questionner sur notre rapport à l’Etat.
Définitions des termes :
L’État est l’ensemble des organes et institutions qui organisent et gouvernent une société.
La société est l’ensemble des citoyens, et l’État est l’instance qui dirige au sein d’une même société, les citoyens et leur vie commune.
Problématique :
Le sujet qui nous est posé suggère que l’on soumet à l’Etat, et nous demande de nous interroger si nous nous soumettons à l’Etat par crainte. Cela suppose que nous pourrions éventuellement nous y soumettre par volonté. Quelles sont dès lors les raisons qui amènent les individus à suivre les règles et à respecter l’Etat ?
Annonce du plan :
Nous verrons dans une première partie qu’il est des époques et des régimes politiques dans lesquels les citoyens se soumettent en effet à l’Etat par crainte, dans une seconde partie nous verrons qu’il est possible de respecter les règles instituées par l’Etat par volonté et non par crainte, enfin, dans une troisième partie nous nous demanderons si dans les régimes démocratiques il est approprié de parler de « soumission politique ».
I. Oui on se soumet à l’Etat par crainte
Dans une première partie nous verrons que dans certaines situations nous nous soumettons à l’Etat par crainte.
Argument A :
Dans les sociétés monarchiques absolutistes et dictatoriales on se soumet à l’Etat par crainte
Dans les monarchies absolues, les désirs du souverain sont tout puissants et doivent être respectés sous peine de sanctions terribles. Sous Louis XIV les opposants de la monarchie du roi soleil étaient guillotinés. Sa célèbre phrase : l’Etat c’est moi, montre qu’il était et se considérait comme tout puissant.
Exemple A :
Dans les dictatures comme dans l’URSS de Staline ou pendant le régime nazi en Allemagne on se soumettait à l’Etat par crainte des sanctions. La police était présente partout dans les rues pour contrôler les faits et gestes des habitants.
Argument B :
Même dans les sociétés démocratiques, on se soumet dans certains cas à l’Etat par crainte des sanctions
Dans les sociétés démocratiques, les actes de violence sont condamnés par la justice et jugés pénalement. Ces actes peuvent faire l’objet de peine de prison de plusieurs années. Une seule exception à cette règle concerne les actes de violence à l’initiative de l’Etat et prévues par le droit positif, pour mettre fin à d’autres actes de violence illégaux d’individus. Max Weber appelle cette autorisation de l’Etat à commettre des actes de violence dans certaines situations : le monopole de la violence légitime.
Exemple B :
C’est au nom de ce droit par exemple que certains manifestants aux comportements jugés déplacés peuvent être maitrisés physiquement parfois au moyen de la violence par des policiers en France encore aujourd’hui.
Transition :
Nous avons vu que dans certaines situations on se soumet à l’Etat par crainte, et notamment par crainte pour notre intégrité physique. Cependant, dans un grand nombre de régimes politiques modernes, les hommes se soumettent à l’Etat non par crainte mais par choix.
II. Non on ne se soumet pas à l’Etat par crainte, mais volontairement
Dans une seconde partie, nous verrons qu’on ne se soumet pas à l’Etat par crainte, mais volontairement.
Argument A :
Les hommes acceptent le contrat social qui leur permet de vivre ensemble
Références :
Dans le Léviathan, Thomas Hobbes décrit ce que serait l’état de nature, c’est-à-dire la vie des hommes s’ils n’étaient pas contraints par la loi : ce serait un état de guerre de tous contre tous permanente, où les désirs individuels entreraient en conflit, et où le sentiment dominant au quotidien serait la peur à l’encontre des autres. Il s’agit d’un état où règne la loi du plus fort.
On retrouve la même idée chez Rousseau dans le Contrat Social. Selon lui, l’objectif du contrat social est de « trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant. »
Pour échapper à la peur, les hommes peuvent renoncer à leurs droits naturels sur toute chose et confier le pouvoir d’édicter des règles à un « Léviathan », préfiguration de l’État moderne. Le pouvoir politique dispose du pouvoir de contraindre les individus, c’est-à-dire d’assurer par les lois ou la force l’unité du corps politique.
Ainsi si l’on en suite les théoriciens du contrat social les hommes se soumettent à l’Etat par choix et non par crainte, il s’agit justement d’une décision ayant pour but de sortir d’un état de peur et d’insécurité permanente.
Argument B :
On se soumet à l’Etat volontairement, car accepter les contraintes et les devoirs nous donnent accès à des droits
Dans les démocraties modernes, se soumettre aux règles de l’Etat telles que payer ses impôts, ne pas voler, ne pas tuer, ne pas agresser physiquement par exemple donne également accès à des droits. Le fait de respecter ses devoirs de citoyens donne accès à des droits de citoyens : le droit à la sécurité, l’éducation, à la santé, à la liberté d’expression, le droit au respect de la propriété…
Transition :
L’individu opère ainsi en quelques sortes à un arbitrage entre droits et devoirs et choisit de respecter les règles instituées par l’Etat. Mais, si l’individu respecte les lois et les règles sociales par choix, peut-on encore parler de soumission ?
III. Si les hommes se soumettent à l’Etat par choix peut-on vraiment dire que l’on se soumet à l’Etat ?
Dans une troisième partie, nous nous interrogeons sur la pertinence de l’emploi du mot soumission lorsque les individus choisissent volontairement d’obéir à l’Etat.
Argument A :
Dans certaines sociétés monarchiques les hommes acceptent les décisions prises par le roi par admiration et respect du monarque…
Exemple A :
C’est le cas en Angleterre ou au Maroc.
Au Maroc, le roi n’est pas uniquement le chef politique il est aussi le roi des croyants. Les citoyens marocains obéissent aux décisions du roi par profond respect de Mohammed VI. Dès lors on ne peut plus parler de soumission mais d’obéissance.
Argument B :
Dans les sociétés démocratiques les citoyens votent et participent à l’élaboration des lois
Dans les régimes démocratiques, les hommes participent indirectement à l’édification des règles et des lois. En France par exemple, les citoyens élisent leurs représentants qui vont ensuite voter des lois à l’Assemblée et au Sénat. Certaines décisions majeures peuvent même être prises par référendum.
Exemple B :
C’est ce qui s’est produit en France lorsque le gouvernement a appelé le peuple à voter l’adhésion à la constitution européenne en 2005.
Ainsi on ne peut donc plus parler à proprement parler de soumission à des lois puisque les citoyens ont participé à les créer. La liberté d’expression, et de manifestation permet aux citoyens d’exprimer leur mécontentement à l’égard d’un gouvernement ou d’une loi, et ils peuvent dans certaines situations faire empêcher une loi qui leur déplait de sortir.
Il ne s’agit plus alors de soumission à un Etat mais à une adhésion.
Conclusion :
Bilan :
Nous avons vu que le rapport des hommes à l’Etat est ambigu. Il y a ou il y a eu dans certaines sociétés des régimes dictatoriaux et / ou totalitaires dans lesquelles les hommes se soumettaient clairement à l’Etat par crainte. Il est également d’usage de réfréner dans les sociétés démocratiques certains comportements par crainte d’une forme de représailles violentes. Cependant dans un grand nombre de démocraties modernes, nous avons tendance à penser que les hommes obéissent plus que ne soumettent à l’Etat par choix et non par crainte. En témoignent la possibilité de critiquer et de contester les lois dans les démocraties européennes ou encore le profond respect des citoyens à l’égard des monarques dans les monarchies parlementaires comme le Maroc ou l’Angleterre.
Ouverture :
L’épidémie de coronavirus apporte un nouvel élément à notre réflexion. Les individus se sont au quatre coins de la planète confinés chez eux pendant plusieurs semaines par crainte. Tout d’abord par crainte d’une éventuelle contamination par le virus, ils s’en sont alors remis aux mains d’un Etat paternaliste, lui témoignant sa confiance dans sa protection sanitaire. D’autre part par crainte des conséquences d’un non-respect des lois puisque les forces de l’ordre avait pour mission de faire respecter l’état d’urgence sanitaire et le non-respect des mesures associées à cet état était punis de lourdes amendes voire de peines d’emprisonnement selon les pays.