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La conscience de soi implique-t-elle la connaissance de soi ?

Perspectives : L’existence humaine et la culture - La connaissance

Introduction

Amorce

L’expression "se lever du pied gauche" renvoie à l'idée qu’une personne se soit réveillé de mauvaise humeur et passe une mauvaise journée sans savoir quelle est la cause de son mal être. Ainsi malgré le fait que cet individu soit conscient de lui-même comme la plupart des individus et contrôle son corps et ses émotions, il reste une part d’ignorance, ce mauvais réveil est-il du à une mauvaise nuit, ou est-il le symptôme d’un mal être plus profond dont la mauvaise nuit ne serait que la partie visible ?

Définition des termes et problématisation

La conscience de soi est une intuition immédiate et permanente de notre vie intérieure qui rassemble nos pensées, nos sentiments, nos émotions, nos désirs etc.… ils nous sont immédiatement donnés et sont vécus par nous-mêmes et par personne d’autre. Il semble alors possible d’affirmer que nous nous connaissons, et plus encore, que nous sommes les seuls à pouvoir nous connaitre. Cependant, certains faits peuvent nous faire douter de ce constat. La connaissance que l’on a de nous-mêmes peut en effet être incomplète même si la conscience que nous avons semble complète. Certains sentiments qui prennent une ampleur démesurée sans que l’on sache pourquoi, certains désirs qui nous viennent sans raisons visibles sont autant d’exemples de moments pendant lesquels la connaissance de nous-mêmes nous manque. Ces exemples viennent souligner notre non connaissance des causes de certains de nos mécanismes internes. Si l’on convient que la connaissance revient à chercher la réalité profonde des choses et à trouver les causes réelles des faits, nous sommes en droit de nous demander si nous nous connaissons réellement ?

Problématique

Le fait d’avoir conscience de soi suffit-il à se connaître ou bien le sujet a-t-il besoin d’autres éléments, d’autres entités ou d’autres mécanismes pour se connaître lui-même ? Que manque-t-il à la conscience du sujet pour atteindre la connaissance de lui-même ?

Annonce de plan

Nous nous demanderons dans un premier temps si nous avons accès à l’intégralité de notre psychisme, ensuite, si nous sommes capables d’expliquer les causes de toutes nos pensées, et enfin dans une troisième partie, nous nous interrogerons sur la possibilité de nous juger nous-mêmes de manière neutre et objective.

Développement

Partie 1 : La connaissance de soi implique de prendre conscience de ce qui est inconnu en soi

Premier argument : Les hommes se méconnaissent parce qu’ils croient se connaître

Explication

Seul celui qui sait peut chercher à se libérer de son ignorance. Celui qui ne sait pas qu’il est souffrant n’est pas en mesure de chercher la source de son mal puisqu’il se croit en bonne santé. Ainsi, il est nécessaire, pour avoir conscience de soi, d’avoir conscience que l’on ne peut pas intégralement se connaître.

Illustration

Dans l’Apologie de Socrate, (un ouvrage de Platon, son disciple), un ami de Socrate demande à un oracle qui est l’homme le plus sage. Sa réponse est la suivante, l’homme le plus sage est Socrate parce qu’il sait qu’il ne sait rien. AÀ l’inverse les sophistes (les beaux parleurs) sont ignorants puisqu’ils pensent savoir mais en réalité n’ont aucune connaissance. Ici, celui qui se connait le mieux est en réalité celui qui en sait le moins, autrement dit c’est Socrate.

Deuxième argument : Les hommes peuvent se méconnaitre parce qu’ils se cachent à eux-mêmes

Explication

Parfois certaines personnes se mentent à elles-mêmes, se voilent volontairement la face pour ne pas voir réellement qui ils sont ou quels sont leurs problèmes. Mais en réalité ce qu’ils cachent fait tout autant partie d’eux que ce qui est visible. Ce qu’un homme cache de sa propre vie la décrit aussi bien que ce qu’il montre. Ainsi si un individu cache sa plus grande peur et la nie, à la fois il se fuit et à la fois il se révèle puisque cette peur refoulée ressortira sous forme de névrose.

Illustration

Selon Jean-Paul Sartre si les hommes se cachent à eux-mêmes des choses et ne sont pas fidèles à ce qu’ils sont c’est parce qu’ils comprennent le terme d’inconscient comme un autre Moi. Selon lui, comprendre l’inconscient comme un autre moi responsable de toute mes actions mauvaises et expliquant tous mes comportements inacceptables relève de la "mauvaise foi". En réalité cela revient à rejeter la faute sur une autre version de soi. Ainsi, en attribuant toute nos mauvaises actions à notre inconscient ou en refoulant nos peurs, au lieu de mieux nous connaître et de rester nous-mêmes, nous nions ce que nous sommes véritablement.

Troisième argument : L’expérience manque souvent aux hommes pour connaitre les potentialités qui sont en eux

Explication

Chaque homme ne peut connaître ses limites qu’en en faisant personnellement l’expérience. Ce sont les épreuves de la vie qui nous permettent d'apprendre si nous sommes lâches ou courageux, forts ou faibles. Le déroulement de la vie, en faisant rencontrer diverses difficultés à l’homme, lui permettra de se rendre compte de ses limites et de mieux se cerner. Ainsi la connaissance de soi passe par l’expérience.

Illustration

On peut ici établir un parallèle entre le domaine scientifique et le domaine psychologique. Comme il est possible de connaître le réel à travers des observations et des expériences, il est possible que l’homme se connaisse de mieux en mieux au fil du temps en multipliant les expériences sensibles.

Transition

Tant qu’on ne sait pas qu’on ne sait pas, il nous est impossible se cerner le problème et d’y chercher des réponses. À l’inverse, quand on sait qu’on est ignorant, il est possible de chercher des causes à nos comportements inexpliqués ou à nos réactions étranges.

Partie 2 : Se connaître implique qu’on puisse expliquer les vraies causes de ses sentiments, de ses pensées, de ses actions ou réactions. Or, ces causes nous sont souvent inconnues, pourquoi ?

Premier argument : La conscience immédiate de nos désirs et envies nous font imaginer que ce sont là les causes de nos actions

Explication

La cause visible n’est pas toujours la cause réelle de nos comportements. Le fait de désirer un objet cache en réalité un besoin plus profond auquel l’homme n’a pas accès. D’une certaine manière l’homme n’est pas libre puisqu’il suit ses désirs sans en connaître l’origine.

Illustration

Spinoza, dans sa Lettre à Schuller écrit "Cette liberté humaine que tous se ventent de posséder consiste en cela seul que les hommes ont conscience de leurs désirs et ignorent les causes qui les déterminent". Ici l’auteur allemand relève que la méconnaissance que les hommes ont d’eux-mêmes est à l’origine d’une fausse conception de la liberté. En réalité, si les hommes suivent leurs désirs ils ne sont pas libres, au contraire, ils ne font que suivre aveuglément des désirs qui les guident où ils veulent. L’homme n’a pas connaissance de la cause de ces désirs.

Deuxième argument : L’ignorance des causes de mes actions peut s’enraciner dans des mécanismes qui ne dépendent pas de moi, autrement dit dans mon inconscient

Explication

Une fois que l’homme a pris conscience qu’il n’est pas maître de ses désirs et qu’il doit rechercher des causes plus profondes déterminant les désirs eux-mêmes, le sujet a atteint une connaissance de lui-même plus grande que s’il ne faisait que suivre ses désirs.

Illustration

C’est le neurologue autrichien Sigmund Freud qui, le premier, théorise véritablement l’inconscient en tant qu’il est le lieu de genèse de nombreux troubles du comportement et de maladies tels que les névroses, et aussi de certains désirs, notamment sexuels, inexpliqués. Dans Cinq leçon sur la psychanalyse (1909), Freud présente les angoisses, les phobies, les complexes d’infériorité ou de supériorité, la timidité maladive ou l’agressivité chronique comme autant de pathologies ordinaires qui prennent leurs racines dans l’inconscient. Selon lui, la vie psychique est entièrement cohérente, ainsi les comportements visibles mais inexpliqués trouvent une explication dans la considération et le traitement de l’inconscient par la psychanalyse.

Troisième argument : L’explication des comportements par le biais de l’éclaircissement des causes profondes passe aussi par l’étude du milieu social dans lequel l’individu a grandi, qui lui a donné des manières de voir le monde, de penser et de se comporter qui lui sont propres

Explication

L’inconscient n’est pas intégralement déterminé à la naissance. En effet, l’éducation et les périodes d’apprentissage, permettent une construction différente chez chaque individu. Le terme utilisé en sociologie est le terme de "socialisation". Il désigne un processus d’apprentissage culturel de normes et de valeurs qui permet aux individus de correspondre aux rôles sociaux liés à leur statut et qui permet ainsi l’intégration et la cohésion sociale. Ce processus est ainsi essentiel puisqu’il donne à l’individu l’ensemble des clefs de lecture du monde dans lequel il vit. Autrement dit, la socialisation est le processus par lequel un individu est formé socialement.

Illustration

Pierre Bourdieu, grand sociologue du XXème siècle, théorise ainsi la notion d’habitus. L'habitus désigne l’ensemble des manières de penser, d’agir et de parler propre à un groupe social. Elle définit donc aussi la manière de penser et la part laissée à l’inconscient. Par exemple un membre de la classe populaire aura moins tendance à écouter son corps et pourra plus facilement refouler certains traumatismes là où un membre issu des classes sociales supérieures, au vue de son éducation, sera plus attentif à son corps et pourra remonter plus facilement à des traumatismes refoulés par le biais de séances de psychanalyse. Ici la manière de penser l’inconscient de se s’écouter diffère selon le groupe social de l’individu en question.

Transition

La difficulté à se connaître véritablement réside dans l’impossibilité de connaître les causes de nos comportements, mais une fois ces causes comprises, comment se connaître entièrement et de manière neutre ? En réalité le sujet est trop proche de lui-même pour s’analyser et se connaître, une prise de recul parait nécessaire pour que le sujet puisse se connaître dans ce qu’il est vraiment, ce qu’il est objectivement. Dès lors, comment prendre suffisamment de recul pour nous juger avec objectivité ?

Partie 3 : Se connaître suppose d’avoir une distance suffisante par rapport à soi pour pouvoir se juger objectivement

Premier argument : Peut-on être à la fois l’observateur neutre et l’observé ? Le juge et la partie ?

Explication

La conscience de soi est d’un côté ce qui ne peut être connu que par soi puisqu’elle relève de l’intimité de l’esprit de chacun, personne ne peut mieux connaitre notre état d’esprit à tel instant que nous même. Cette idée rejoint l’argument cartésien du doute pour remettre en question tout ce qui existe sauf notre propre existence, puisque étant en train de penser nous sommes certains d’exister. Ainsi personne n’est mieux placer que soi-même pour se connaître. Seulement, celui qui fait l’exercice de sa propre conscience n’est pas en mesure de prendre conscience de ce qui ne relève pas de sa conscience, autrement dit de son inconscient. Ainsi l’introspection du sujet en lui-même se heurte à une limite essentielle, celle de la conscience. Seul, le sujet ne pourra pas aller chercher en lui au-delà de ce qui est visible.

Illustration

Ainsi, selon Auguste Compte, le moi ne peut pas s’observer lui-même. Il ne peut pas être à la fois le sujet et l’objet de l’observation. En effet, il y aurait une impossibilité à découper le sujet en deux pour en créer deux parties : une qui raisonne et une qui observe le raisonnement. Selon lui la méthode introspective est inefficace.

Deuxième argument : Pour se juger avec recul, le regard d’autrui est nécessaire, il renvoie à une image extérieure de soi qui peut corriger certaines déformations du regard que l’on a lorsque l'on s'observe soi-même

Explication

Si le jugement introspectif est impossible il est nécessaire de recourir à une personne tierce, autrement dit à autrui. Ainsi ce n’est qu'à travers le regard d’autrui que le sujet peut se juger.

Illustration

Dans Huis Clos, Jean-Paul Sartre met en scène trois personnages enfermés dans une pièce qui représente métaphoriquement l’enfer. Cet enfer, sans être un lieu de souffrance physique est un enfer de souffrance psychique, puisque dans le regard des autres, chaque personnage voit le reflet de ses péchés passés et ses plus grands regrets. Dans le regard porté par l’autre, le sujet se condamne seul et ce qui était inconscient et refoulé, ressurgit alors par le regard accusateur d’autrui.

Troisième argument : Un recul sur soi passe souvent par des expériences ou des exercices pénibles, qui peuvent autant éveiller la lucidité que refermer des gens derrières de défenses plus infranchissable

Explication

De la même manière qu’une opération ou une intervention médicale n’est pas agréable, la prise de conscience d’une partie de soi inconsciente, en tant qu’elle nous révèle à nous-mêmes, est une épreuve douloureuse mais pour le bien du sujet.

Illustration

Une rupture douloureuse avec sa compagne ou son compagnon, un décès ou encore une trahison sont des événements qui permettent une remise en question de soi et de ce que nous sommes. Par ce moment d’introspection durant laquelle le sujet va s’analyser et tenter de voir où était le problème et comment la situation en est arrivée à ce stade. L’injonction socratique "connais-toi toi-même" renvoie à cette même idée. En effet, Socrate incite les hommes à mieux se connaître par un mouvement de retour et de réflexion sur eux-mêmes. C’est par ce retour sur soi que l’homme arrête de courir après un sens qu’il ne peut en réalité pas trouver hors de lui mais seulement en lui s’il a le courage de penser et de réfléchir hors de tout préjugé, autrement dit s’il a la force de penser par lui-même.

Conclusion

Reprise du plan

En somme, la connaissance de soi passe d’abord par une conscience de soi. Cependant il est plus compliqué de véritablement se connaître que de croire que l’on se connaît, c’est là la première étape de connaissance de soi, savoir que l’on ne se connait pas. Une fois cette prise de conscience effectuée à propos de son ignorance, la recherche des causes profonde de nos actions permet de mettre en valeur l’existence d’un inconscient latent mais présent qui dicte nos actions et guide notre vie. Enfin, une des manières de sortir de cette détermination par notre inconscient est de recourir à autrui afin d’avoir un regard plus objectif sur nous, sans pour autant qu’il puisse entièrement sortir le sujet de la dictature de son inconscient, une mobilisation personnelle par le biais d’une introspection permet aussi au sujet de mieux se connaître.

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