DE LA NOIX DE MUSCADE A LA COSMETIQUE La noix de muscade contient divers triglycérides dont la trimyristine qui permet d’obtenir le myristate d’isopropyle. Ce dernier trouve de nombreuses utilisations en cosmétique et entre dans la composition de ce qu'on appelle "l’alcool des parfumeurs", support de dilution très utilisé en parfumerie. Le but de cet exercice est de comprendre comment, à partir de la trimyristine extraite de noix de muscade, on peut obtenir l’acide myristique nécessaire à l’obtention du myristate d’isopropyle. Données Données physico-chimiques : Solubilité de la trimyristine et de l’acide myristique dans quelques solvants usuels : Electronégativité de quelques atomes : $$\begin{array} {|r|r|}\hline \text{Atome} & N & H & C & O & Cl \\ \hline \text{Electronégativité} & 3,0 & 2,2 & 2,6 & 3,4 & 3,2 \\ \hline \end{array}$$ Pour le couple acide myristique/ion myristate : $$\ce{pKa(RCOOH/RCOO-) \sim 5}$$ Le degré de pureté $d$ d’un produit dans un échantillon est le rapport entre la masse du produit contenu dans l’échantillon et la masse de l’échantillon, soit : $$d=\dfrac{\text{masse du produit contenu dans l’échantillon}}{\text{masse de l’échantillon}}$$ La trimyristine est un triglycéride dont on donne une représentation ci-contre. Les trois groupes identiques, notés R, sont de longues chaines carbonées (image) Le pourcentage massique en trimyristine dans la poudre de noix de muscade est compris entre 20% et 25% 1. Extraction de la trimyristine à partir de la noix de muscade Une masse de trimyristine $m_{trimyristine} = 4,75 g$ a été extraite de 20,0 g de noix de muscade en utilisant le protocole décrit ci-dessous : Étape 1 : dans un ballon de 250 mL, mélanger 20,0 g de poudre de noix de muscade et 100 mL de dichlorométhane. Chauffer à reflux pendant 30 minutes. Étape 2 : filtrer sous hotte aspirante le contenu du ballon et rincer ce dernier avec 20 mL de dichlorométhane. Évaporer le solvant à l’aide d’un montage de distillation simple. Le ballon contient alors environ 10 mL de liquide jaune huileux. Étape 3 : ajouter progressivement 50 mL de propanone dans le ballon afin de dissoudre à chaud le contenu du ballon. Quand la solution est devenue homogène, placer le ballon dans un bain d’eau glacée. On observe progressivement la formation d’un solide blanc. Étape 4 : filtrer sur Büchner, sécher à l’étuve le solide blanc obtenu et mesurer sa masse. 1.1. Donnez deux arguments qui peuvent justifier l’utilisation du dichlorométhane plutôt que l’éthanol lors des étapes 1 et 2. 1.2. Justifier l’observation faite dans l’étape 3. 1.3. La masse de trimyristine obtenue est-elle en accord avec les données ? Justifier. 2. Obtention de l’acide myristique 2.1. Donner la formule semi-développée du glycérol également nommé propan-1,2,3-triol. 2.2. A partir des données, retrouver la formule brute des trois groupements R. 2.3. Recopier cette étape sur votre copie et représenter les flèches courbes rendant compte du mécanisme. Citer la catégorie de cette étape de réaction. 2.4. Donner, en justifiant la réponse, la forme prédominante du couple acide myristique / ion myristate en fin d’ajout de l’acide chlorhydrique. 2.5. A la fin de la synthèse et après séchage, on obtient m = 3,36 g de produit. On considère dans ce premier temps que ce produit est pur, c'est à dire uniquement constitué d'acide myristique. 2.5.1. Déterminer la quantité de matière maximale d’acide myristique que l’on pourrait obtenir à l’issue de la synthèse. 2.5.2. Déterminer le rendement de cette synthèse de l’acide myristique à partie de la trimyristine. 3. Détermination par titrage de la pureté de l’acide myristique obtenu En réalité le produit obtenu n’est pas forcément pur. Afin d’estimer la pureté du produit obtenu lors de la synthèse précédente, on en prélève un échantillon de masse $m_{éch} = 1,14 \pm 0,01 g$. Cet échantillon est entièrement dissout dans un solvant approprié pour préparer une solution appelée $S_1$ dans une fiole jaugée de volume $V_0= 100,00 \pm 0,08 mL$. On réalise le titrage acido-basique suivi par colorimétrie d’une prise d’essai $V_1 = 10,00 \pm 0,05 mL$ de la solution $S_1$ par une solution d’hydroxyde de sodium, ($\ce{Na+_{(aq)} + HO-_{(aq)}}$), de concentration molaire égale à $C_2=(5,00 \pm 0,01)\cdot 10^{-2} mol \cdot L^{-1}$. Lors de ce titrage, l’équivalence est obtenue pour un volume versé $V_E = 9,60 \pm 0,05 mL$. 3.1. Écrire l’équation de la réaction support du titrage de l’acide myristique par l’hydroxyde de sodium. 3.2. Déterminer la concentration massique d’acide myristique de la solution titrée. 3.3. En déduire la masse d’acide myristique $m_{exp}$ présente dans la solution $S_1$. 3.4. On admet que, dans les conditions de l’expérience, l’incertitude relative $\dfrac{U(m_{exp})}{m_{exp}}$ satisfait la relation : $$\left(\dfrac{U(m_{exp})}{m_{exp}}\right)^2 = \left(\dfrac{U(V_E)}{V_E}\right)^2 +\left(\dfrac{U(C_2)}{C_2}\right)^2 +\left(\dfrac{U(V_1)}{V_1}\right)^2 + \left(\dfrac{U(V_0)}{V_0}\right)^2 $$ Proposer un encadrement de la masse $m_{exp}$ d’acide myristique et comparer avec la masse initialement dissoute $m_{éch}$ dans la solution $S_1$. Commenter. 3.5. Déterminer le degré de pureté du produit synthétisé. CORRECTION 1.1. Donnez deux arguments qui peuvent justifier l’utilisation du dichlorométhane plutôt que l’éthanol lors des étapes 1 et 2. Dans la première étape on dissout la trimyristine dans le solvant, or sa solubilité est bien meilleure dans le dichlorométhane que dans l’éthanol, il est donc plus intéressant d’utiliser le dichlorométhane. Dans la deuxième étape on cherche à évaporer le solvant et dans les données il est dit que la température d’ébullition du dichlorométhane est plus faible que celle de l’éthanol, c’est-à-dire qu’il s’évapore plus rapidement, il y a donc moins de risque de faire évaporer le produit extrait en même temps (réduire les pertes pour augmenter le rendement). En conclusion, dans ces deux étapes il préférables d’utiliser le dichlorométhane comme solvant. 1.2. Justifier l’observation faite dans l’étape 3. Dans la troisième étape on dissout le mélange intermédiaire dans la propanone à chaud puis on les place dans un bain de glace. ? Or il nous est dit dans l’énoncé que la trimyristine est soluble dans la propanone à chaud mais insoluble à froid. Donc le solide blanc est la trimyristine qui précipite à froid dans le solvant. 1.3. La masse de trimyristine obtenue est-elle en accord avec les données ? Justifier. L’énoncé nous infirme que « le pourcentage massique en trimyristine dans la poudre de noix de muscade est compris entre 20 % et 25 %. ». Ici on extrait de la trimyristine à partir de 20,0 g de poudre de noix de muscade : 20% $\rightarrow \dfrac{20,0 \cdot 20}{100} = 4g$ 25% $\rightarrow \dfrac{20,0 \cdot 25}{100} = 5g$ La masse finale obtenue devrait donc être comprise entre 4 et 5g. La masse extraite est de 4,75g, elle est donc en accord avec les données. On peut le calculer dans l’autre sens : $ \dfrac{4,75}{20} \cdot 100 = 23,7 \%$ qui est bien compris entre 20% et 25%. 2.1. Donner la formule semi-développée du glycérol également nommé propan-1,2,3-triol. Formule semi-développée : les atomes de carbones et d’hydrogènes apparaissent, mais pas liaisons entre eux. Propan $\rightarrow$ chaîne carbonée la plus longue comporte 3 carbone : 1,2,3-triol $\rightarrow$ 3 groupes alcool OH sur les 3 carbones de la chaîne : 2.2. A partir des données, retrouver la formule brute des trois groupements R. Dans les données, on nous donne la formule brute de la trimyristine : $\ce{C45H86O6}$. Et dans la formule semi-développée qui nous est donnée on peut décompter le nombre d’atome : Si on soustrait ce nombre d’atome à la formule brute, on obtient : $\ce{C39H81}$ pour les trois groupes R. Si on divise par 3 on obtient $\ce{C13H27}$. Donc les trois groupes R identiques sont des chaînes de 13 carbones. 2.3. Recopier cette étape sur votre copie et représenter les flèches courbes rendant compte du mécanisme. Citer la catégorie de cette étape de réaction. Ici on ne demande pas de justifier, mais il faut bien comprendre comment retrouver un mécanisme. Les explications qui suivent ne sont pas à écrire lors de l’examen mais à bien comprendre pour adapter aux autres situations. Les flèches de mécanisme représentent les mouvements des électrons, elles doivent donc TOUJOURS partir des sites riches en électrons vers les sites les plus pauvres. ATTENTION : Une flèche ne part JAMAIS des charges ni d’un site où il n’y a pas d’électrons ! Dans cette réaction on a deux produits. Il faut dans un premier temps déterminé quel est le groupe riche en électrons et celui pauvre en électrons. On peut déjà remarquer que d’après le tableau des électronégativités des atomes, c’est l’oxygène le plus électronégatif donc riche en électrons. Il va vouloir réagir avec un site pauvre en électrons. L’autre produit est un groupe ester : L’atome de carbone est lié à deux atomes d’oxygène, il y a donc des liaisons polarisées, c’est-à-dire qu’il y a une différence d’électronégativité entre les atomes de la liaison, et les électrons qui forment cette liaison sont déplacés vers l’atomes le plus électronégatifs : il va apparaître des charges partielles. (C’est-à-dire qu’il ne s’agit pas d’ions, qui sont des atomes séparés et qui possèdent chacun une charge.) L’oxygène étant plus électronégatif par rapport au carbone, il va attirer les électrons vers lui, il en résulte que le carbone va avoir une charge partielle positive : on dit qu’il est électrophile (faible en électrons, il « aime » les électrons). Et l’oxygène va avoir une charge partielle négative : on dit qu’il est nucléophile (riche en électrons, il « aime » les noyaux car ses électrons y sont attirés). Avec ce que l’on vient d’expliquer, on peut déterminer que le carbone est donc le site pauvre en électrons de ce groupe, et qui va vouloir réagir avec un site riche en électrons. La première flèche va donc partir des électrons du doublet non-liant de l’oxygène du groupe $\ce{OH-}$ vers le carbone du groupe ester. Or il faut faire attention, un carbone pentavalent (qui a 5 liaisons) n’existe pas ! Il va donc casser une de sas quatre autres liaisons : il a 3 liaisons sigma (plus simplement liaisons simples) et une liaison pi (plus simplement une liaison double). La liaison pi étant la plus haute en énergie et donc la moins stable, c’est elle qui se cassera en premier. Et l’atome l’oxygène étant très électronégatif, sera capable de capter les électrons de cette liaison. Finalement, le mécanisme est : On remarque qu’une liaison double a été cassé pour former deux autres liaisons, c’est donc une réaction d’addition. 2.4. Donner, en justifiant la réponse, la forme prédominante du couple acide myristique / ion myristate en fin d’ajout de l’acide chlorhydrique. A la fin d’ajout d’acide chlorhydrique le Ph vaut 1 (énoncé). On nous donne également le pKa pour le couple acide myristique / ion myristate : $$\ce{pKa(RCOOH/RCOO^-)=5}$$ On est donc dans le cas où $pH > pKa$, c’est-à-dire que c’est l’espèce acide qui prédomine, donc la forme acide myristique. 2.5.1. Déterminer la quantité de matière maximale d’acide myristique que l’on pourrait obtenir à l’issue de la synthèse. La première réaction est la formation d’ions myristates : à partir de la trimyristine on en obtient 3. La réaction est présentée avec une flèche simple, cela signifie que la réaction est totale, donc toute la quantité de trimyristine est transformée en ions myristates. La réaction étant totale, à la fin de la réaction : $$n_i -x_f=0$$ Ainsi : $$n_i=x_f$$ Donc : $$n_{ions}=3 x_f=3n_i = 3 \cdot 6,57 \cdot 10^{-3} = 1,97 \cdot 10^{-2} mol $$ On va maintenant pouvoir déterminer l’avancement maximal de la réaction de transformation des ions myristates. La réaction de transformation des ions myristates en acide myristique est représentée avec une simple flèche, la réaction est donc totale, c’est-à-dire que l’ensemble de la quantité d’ions myristates sera transformé en acide myristique. L’avancement maximal (qui est la quantité de matière maximale d’acide myristique que l’on pourrait obtenir) est donc égal à la quantité de matière initiale d’ion myristate : $$x_{max}=1,97 \cdot 10^{-2} mol$$ 2.5.2. Déterminer le rendement de cette synthèse de l’acide myristique à partie de la trimyristine. Comme l’ion myristate est le réactif limitant, alors la quantité de matière théorique produite d’acide myristique sera la même : $$n_{\text{ion myristate}}= n_{\text{acide myristique}}=1,97 \cdot 10^{-2} mol$$ Ainsi on peut calculer la masse théorique que l’on obtiendrait sans aucune perte : $$m_{\text{acide myristique}}=n_{\text{acide myristique}} M_{\text{acide myristique}}=1,97 \cdot 10^{-2} \cdot 228 = 4,49 g$$ Donc le rendement est : $$r=\dfrac{masse_{obtenue}}{masse_{théorique}} \cdot 100 =\dfrac{3,36}{4,49} \cdot 100 = 74,8\%$$ Il faut noter ici que l’on a considéré le produit comme pur alors qu’il n’y a pas eu d’étape de purification, ce qui explique on rendement aussi correcte. 3.1. Écrire l’équation de la réaction support du titrage de l’acide myristique par l’hydroxyde de sodium. Il s’agit d’une réaction acido-basique entre l’acide myristique avec la soude ($\ce{HO-}$), il y aura donc formation la base conjuguée de l’acide myristique avec de l’eau ($\ce{H2O}$) : 3.2. Déterminer la concentration massique d’acide myristique de la solution titrée. Lors d’un titrage, l’équivalence signifie que l’on est à l’équilibre entre les deux réactions inverses : les quantités de matières des réactifs et des produits sont en proportions stœchiométriques, on a donc la relation suivante : $$\dfrac{n_{\text{acide titré}}}{1}=\dfrac{n_{\text{titrant}}}{1}$$ Ce qui revient à écrire que : $$C_1 V_1=C_2 V_E$$ On peut isoler $C_1$ la concentration de la solution $S_1$ en acide myristique, qui est la solution titrée : $$C_1=\dfrac{C_2 V_E}{V_1}=\dfrac{5,00 \cdot 10^{-2} \cdot 9,60}{10,00}=4,80 \cdot 10^{-2} mol \cdot L^{-1}$$ Aide pour la concentration massique $C_m=\frac{m}{V}$ $n=\frac{m}{M}$ et $n=CV$, donc $m=CVM$. Si on remplace dans la formule de la concentration massique : $$C_m=\dfrac{CVM}{V}=CM$$ Pour vérifier une formule, il faut toujours regarder la cohérence des unités ! Ici la concentration s’exprime en $mol \cdot L^{-1}$ et la masse molaire en $g \cdot mol^{-1}$, si on les multiplie on obtient des $g \cdot L^{-1}$ ce qui correspond bien à l’unité d’une concentration massique. Or la concentration massique peut être définie en fonction de la concentration et de la masse molaire moléculaire : $$C_m=C_1 M =4,80 \cdot 10^{-2} \cdot 228=10,9 g \cdot L^{-1}$$ 3.3. En déduire la masse d’acide myristique $m_{exp}$ présente dans la solution $S_1$. La masse est définie en fonction de la concentration massique et du volume de la solution $S_1$ : $$m_{exp}=C_1 V_0=10,9 \cdot 100 \cdot 10^{-3}=1,09 g$$ 3.4. On admet que, dans les conditions de l’expérience, l’incertitude relative $\dfrac{U(m_{exp})}{m_{exp}}$ satisfait la relation : $$\left(\dfrac{U(m_{exp})}{m_{exp}}\right)^2 = \left(\dfrac{U(V_E)}{V_E}\right)^2 +\left(\dfrac{U(C_2)}{C_2}\right)^2 +\left(\dfrac{U(V_1)}{V_1}\right)^2 + \left(\dfrac{U(V_0)}{V_0}\right)^2 $$ Proposer un encadrement de la masse $m_{exp}$ d’acide myristique et comparer avec la masse initialement dissoute $m_{éch}$ dans la solution $S_1$. Commenter. $$\left(\dfrac{U(m_{exp})}{m_{exp}} \right)^2=\left(\dfrac{0,05}{9,60} \right)^2+\left(\dfrac{0,01}{5,00} \right)^2+\left(\dfrac{0,05}{10,00} \right)^2+\left(\dfrac{0,08}{100,00} \right)^2 =5,68 \cdot 10^{-5}$$ $$U(m_{exp})=1,09 \sqrt{5,68 \cdot 10^{-5}}=8,22 \cdot 10^{-3}=0,008$$ Donc la masse réelle d’acide myristique est de $1,09 \pm 0,008 g$ 3.5. Déterminer le degré de pureté du produit synthétisé. La formule de degré de pureté du produit est donnée dans l’énoncé : $$d=\dfrac{\text{masse du produit contenu dans l’échantillon}}{\text{masse de l’échantillon}}=\dfrac{1,09}{1,14}=0,96$$ Le produit obtenu est pur à 96%. * Source : session 2019 métropole, exercice I.