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Fiche vérifiée

L’analyse en termes de classes sociales est-elle pertinente pour rendre compte de la structure sociale aujourd’hui ?

Document 2 :

La santé de la population s'est améliorée de façon remarquable au cours des dernières décennies, puisqu'en un siècle, nous avons gagné 30 ans de vie en plus. Néanmoins, cet état de santé moyen recouvre d'importantes disparités. À 35 ans, un cadre supérieur a encore 47 ans à vivre en moyenne, un ouvrier 41 ans : ces six ans de différence représentent plus que les progrès accomplis globalement sur l'espérance de vie en un quart de siècle. À âge égal, la mortalité des personnes sans diplôme est deux fois plus élevée que celle des bacheliers. Quel que soit le critère retenu, revenu, éducation, catégorie sociale, statut d'emploi..., les moins favorisés meurent plus prématurément. Dans cette vie plus courte, ils vivent également plus longtemps avec des maladies ou des incapacités. Ainsi, sur les 47 ans qui restent à vivre, en moyenne, à un homme cadre supérieur de 35 ans, celui-ci peut espérer vivre 34 ans sans aucune incapacité même légère, tandis que pour un ouvrier, ce seront 24 ans sur 41 au total. Pour les femmes, si l'écart d'espérance de vie entre cadres supérieures et ouvrières est deux fois moins important que pour les hommes (3 ans), la différence est plus proche pour l'espérance de vie sans aucune incapacité (8 ans). [...] Les écarts de mortalité entre groupes sociaux s'observent pour la plupart des pathologies. Ils sont particulièrement élevés pour certaines d'entre elles : un homme ouvrier a deux fois et demie plus de chances de mourir d'un AVC avant 65 ans qu'un cadre, un non diplômé 4,4 fois plus de chances de décéder d'un cancer des voies aéro-digestives supérieures qu'un bachelier. Les cancers contribuent, globalement, à 40 % des écarts de mortalité entre les deux niveaux d'éducation, les maladies cardiovasculaires à un tiers. Pour les femmes, ce sont ces dernières qui contribuent le plus à la surmortalité des non diplômées (pour 40 %), devant les cancers.

Source: Dominique POLTON « Les inégalités de santé », Cahiers français, 2015

Introduction

Amorce

Bien que le concept lui préexistait, c’est indéniablement Karl MARX qui fît entendre le concept de « classes sociales » tant dans l’histoire de la lutte sociale que comme outil incontournable des sciences sociales pour analyser les sociétés démocratiques capitalistes.

Définition des termes du sujet

Ainsi une classe sociale au sens large désigne un groupe social de grande dimension dont les membres partagent des critères communs liés à la position sociale comme le revenu, la profession, le tout hiérarchisé. La structure sociale, quant à elle, désigne la manière dont les groupes sociaux sont répartis dans la société. Historiquement, la notion de classe économique est issue de l’analyse de Marx. Il entend par classe sociale un groupe d’individus : occupant la même position dans le système de production, c’est l’idée de classe en soi (critère objectif) et possédant une conscience collective d’appartenir à ce groupe et en conflit avec une autre classe, c’est l’idée de classe pour soi (critère plus subjectif). L’analyse marxiste de la stratification sociale repose donc sur un seul critère : la position dans les rapports de production.

Problématique

Le sujet qui nous est posé ici questionne la validité actuelle (au XXIème siècle) d’un concept né et vérifié au XIXème siècle lors des forts conflits de classes entre les prolétaires et les bourgeois capitalistes. Dès lors, le concept de classes sociales est-il intemporel dans sa fonction d’outil d’étude de la structure sociale ?

Annonce du plan

Nous verrons dans un premier temps que le concept de classes sociales compris dans un sens purement marxiste n’est plus aussi pertinent qu’au XIXème siècle ; et dans un deuxième temps nous montrerons qu’il reste cependant valide pour étudier certains groupes sociaux en France et qu’en élargissant sa définition il permet encore de rendre compte de la manière dont est structurée la société.

Première partie

Le concept de classe sociale a perdu de sa généralité…

Annonce de la partie et des sous parties

Le concept de classe sociale n’est plus aussi pertinent qu’au XIXème siècle, d’une part parce que d’autres critères que le critère économique ont été mis en avant pour étudier la société et d’autre part parce qu’on assiste à l’émergence d’une classe moyenne importante.

Première sous-partie

L’émergence au cours du XXème siècle d’autres critères permettant d’étudier la stratification sociale

Au cours du XXème siècle, d’autres théories de la stratification sociale sont apparues et proposent des analyses de la structure sociale qui ne se fondent pas uniquement sur le critère économique.

  • Premier argument

Affirmation

Les groupes de statuts chez Max WEBER permettent d’analyser la structure sociale autrement.

Explication

C’est le cas notamment de l’analyse de Weber à partir des groupes de statuts. Contrairement à celle de Marx, l’analyse des classes sociales par Weber est pluridimensionnelle. Weber analyse en effet la stratification sociale à partir de trois dimensions distinctes, qui correspondent toutes les trois à des phénomènes de « distribution du pouvoir dans une communauté donnée ».

Weber identifie tout d’abord, la dimension économique, qui correspond à la distribution des biens et de la richesse. La répartition des individus selon la répartition économique donne naissance à ce qu’il appelle, tout comme Marx, les classes sociales. Un deuxième critère est l’ordre social, qui correspond à la distribution du prestige social. Le degré de prestige social dépend de 4 facteurs : la naissance, la profession, l’instruction et le style de vie. La stratification selon l’ordre social définit ce que weber appelle des groupes de statut. Enfin, l’ordre politique, définit les partis politiques qui rendent compte de la distribution du pouvoir politique. Les partis sont des regroupements d’individus autour d’un même projet politique pour la conquête et l’exercice du pouvoir.

Illustration

Le statut d’une personne peut donc être complexe et ne se place plus seulement dans une logique binaire comme l’affirmait Marx. Une personnalité politique peut ainsi être dotée d’un fort capital économique (ordre économique), et avoir un pouvoir conséquent (ordre politique), cependant cette même personnalité peut être détestée par le peuple et donc ne pas bénéficier d’un prestige social, il est dans une bonne situation à l’échelle de l’ordre économique et politique mais pas de l’ordre social.

  • Deuxième argument

Affirmation

L’utilisation des catégories socioprofessionnelles (PCS) permettent d’analyser la structure sociale autrement.

Définition des termes

En 1982, l’INSEE a mis en place une nomenclature statistique permettant de classer les individus selon leurs métiers et faisant apparaitre des catégories au sein desquelles les membres présentent une certaine homogénéité sociale, notamment vis-à-vis de certains comportements du quotidien tels que les opinions politiques, les loisirs, le nombre d’enfants, la musique écoutée, les lieux fréquentés… C’est ce qu’on appelle les catégories socioprofessionnelles ou PCS, anciennement appelé CSP.

Explication

Pour constituer ces groupes, l'I.N.S.E.E prend en compte un certain nombre de critères socioprofessionnels : le statut des actifs (salarié / travailleur indépendant / employeur), leur métier, leur qualification, leur place dans la hiérarchie professionnelle (avoir ou non des personnes sous ses ordres), l'activité de l'entreprise où travaille la personne. Il y a 6 PCS numérotées de 1 à 6 : 1) les exploitants agricoles, 2) les artisans, les commerçants et les chefs d'entreprise, 3) les cadres et professions intellectuelles supérieures, 4) les professions intermédiaires, 5) les employés et 6) les ouvriers.

Même s’il est indirectement pris en compte à travers le statut professionnel, le revenu des individus n’est pas pris en compte. En ce sens, les PCS en tant qu’outil d’étude de la stratification sociale rompt avec l’analyse en termes de classes sociales marxiste pour qui la position économique des individus était l’unique critère de distinction entre les deux classes sociales.

Deuxième sous-partie

La moyennisation de la société

  • Premier argument

Affirmation

Le phénomène de moyennisation de la société est lui-même une des raisons pour lesquelles on peut de moins en moins parler de classes sociales

Définition des termes

Après la seconde guerre mondiale, la société a vu apparaitre une part de la population caractérisé par une grande homogénéité de niveau de vie et de consommation entre ses membres, c’est ce qu’on a appelé pendant les Trente Glorieuses le phénomène de moyennisation, qui est en partie du à la diminution des inégalités économiques.

Explication

Cette homogénéisation a été rendue possible notamment par la large diffusion de biens de consommation courants, de biens culturels, ou de loisirs. La mode est accessible à tous, et la tenue vestimentaire n’est plus un critère de différenciation sociale par exemple. Quel que soit leur métier ou leur niveau de revenu les individus peuvent se permettre de partager des moments de convivialité dans des bars ensemble après le travail ou de partir en vacances, même si le lieu de ces loisirs et les sommes qui y seront dépensées varient selon le revenu des ménages.

Henri Mendras propose une vision de la société sur le modèle d'une toupie, dans laquelle une vaste « constellation centrale » constitue le groupe social qui absorbe d'autres groupes. Cette représentation permet de décrire le phénomène de moyennisation qui s'explique par le développement de la société de consommation, l'amélioration des salaires et des conditions de travail, mais aussi par l'affaiblissement des conflits et une conscience de classe moins marquée au sein d'une classe ouvrière dont les effectifs se réduisent dès le milieu des années 1970 et dont le niveau de vie progresse.

Illustration

A l’image de cette diminution des inégalités, le document 2, qui traite globalement des inégalités de santé entre les ouvriers et les cadres, laisse entendre qu’une amélioration des conditions de santé s’opère et qu’elle est globale, qu’elle touche tout le monde peu importe son statut social. Ainsi la phrase « ces six ans de différence représentent plus que les progrès accomplis globalement sur l'espérance de vie en un quart de siècle » (lignes 4 à 5) révèle certes les importantes inégalités vis-à-vis du rapport à la santé, mais aussi les avancées en matière d’espérance de vie peu importe le statut social de l’individu. Cette comparaison fait de plus écho à la première phrase du document : « La santé de la population s'est améliorée de façon remarquable au cours des dernières décennies », ce qui confirme l’engagement de l’auteur dans le sens d’une amélioration globale des conditions de vie.

  • Troisième argument

Affirmation

La diminution du sentiment d’appartenance à une classe sociale participe à la déconstruction progressive des classes sociales.

Explication

La moyennisation de la société s’est accompagnée d’une baisse du sentiment d’appartenance à une classe sociale. Or, l’identification subjective à une classe sociale est indispensable pour pouvoir parler de classes au sens marxiste du terme. En effet pour Marx, les individus, au-delà de l’aspect objectif, ont une conscience de classe, c’est-à-dire qu’ils ont conscience d’appartenir à un groupe ayant des intérêts communs et des modes de vie semblables, Marx parle de classe pour soi. C’est ce sentiment subjectif d’appartenance à une même classe qui les pousse d’ailleurs à se mobiliser pour défendre leurs intérêts contre l’autre ou les autre(s) classe(s).

La perte du sentiment d’appartenance des individus au sein de la société française résulte, on l’a vu, de la moyennisation et de la réduction des inégalités économiques depuis la fin de la seconde guerre mondiale, mais également de la multiplication des critères d’appartenance subjective à un groupe. Ces critères ne concernent plus uniquement le niveau de vie économique et la sphère du travail : on se définit également en fonction de ses pratiques culturelles, de ses loisirs (sport, musique…), de la participation à une association, de son sexe, etc... La multiplication de ces critères conduit à une remise en cause des frontières entre les classes sociales.

Illustration

La déconstruction progressive de la conscience de classe ouvrière permet de se rendre compte de ce phénomène. En effet, avec la fin de l’ère industrielle et la destruction des bastions industriels, qui représentaient un lieu commun de vie et de regroupement entre les ouvriers, a peu à peu disparu le sentiment d’appartenance au groupe social ouvrier. Suivant un sondage publié en 2016 tiré de L’état de l’opinion, à la question « Avez-vous le sentiment d'appartenir à une classe sociale ? Et, si oui, laquelle ? », (document 3) le nombre de personnes ayant répondu qu’ils se considéraient comme membre de la classe ouvrière a quasiment été divisé par quatre entre les sondages réalisés en 1966 et ceux réalisés en 2015. C’est dans ce contexte que l’on peut supposer que la vision en termes de classes sociale pour lire la société français n’est plus d’actualité.

Transition

Un élément marquant dans la perte du sentiment d’appartenance est que toutes les catégories de la population déclarent majoritairement appartenir à la classe moyenne, en 2015 ils étaient 38% (suivant l’étude réalisée par TNS Sofres). Cependant, il faut nuancer le constat : les ouvriers continuent de se situer dans les classes populaires (pour la moitié d’entre eux) et 15% des cadres se situent dans les catégories supérieures.

Ainsi le sentiment d’appartenance à une classe sociale existe toujours aux extrémités de la structure sociale. Par ailleurs, de nouveaux critères viennent fracturer l’espace social, créant de nouvelles catégories sociales conscientes d’appartenir à un même groupe, de partager des intérêts communs et d’être en lutte contre des groupes considérés comme opposés.

Deuxième partie

Mais le concept de classe sociale reste tout de même pertinent pour étudier la société française actuelle

Annonce de la partie et des sous parties

L’analyse de la stratification sociale par les classes sociales reste cependant d’actualité : des inégalités de revenus importantes associées à une reconnaissance de classe persistent surtout aux « extrémités » de la société française. De plus, le concept de classe sociale a évolué plutôt que disparu : d’une part le sentiment d’appartenance subjective à un groupe n’est plus uniquement fondé sur le critère économique et par conséquent ce sentiment d’appartenance à une classe sociale n’a pas disparu mais existe toujours.

Première sous-partie

Le concept historique de classe sociale reste applicable aux classes sociales situées aux extrémités l’une de l’autre de la structure sociale

  • Premier argument

Affirmation

Le concept de classe sociale reste applicable car de grandes inégalités économiques perdurent malgré tout et permettent de délimiter ces groupes sociaux.

Explication

Le concept de classes sociales n’est pas pour autant complètement obsolète et certains éléments de sa définition se retrouvent dans la société française actuelle, notamment depuis les années 1980.

En effet, depuis les années 1980 les inégalités économiques sont de nouveau en hausse. Ce qui remet en question la thèse de la moyennisation de la société. Même si les biens de consommation courante sont plus répandus et accessibles il existe de fortes disparités dans la consommation des ménages selon leur catégorie socioprofessionnelle, et notamment des disparités importantes dans l’accès aux nouvelles technologies (ordinateurs, Smartphones…). De plus, malgré l’apparition de catégories intermédiaires (on parle ici de la classe moyenne), on remarque une persistance des différences de comportements sociaux selon les revenus, notamment en ce qui concerne les lieux de vie.

Illustration

Le patrimoine reste aujourd’hui le point de comparaison le plus utile pour se rendre compte des différences qui existent entre les plus riches et les plus pauvres. Ainsi le document 1 nous offre une lecture des inégalités de patrimoine par le biais des déciles ce qui permet de mettre en évidence les inégalités importantes en matière de patrimoine en France. Ainsi, selon une étude publiée par l’INSEE en 2018, concernant l’année 2015, les 10% des personnes les plus riches de France ont 791 fois plus de patrimoine que les 10% des personnes les plus pauvres et regroupent environ autant de richesses que les 50% des personnes les plus pauvres de la société française. De telles différences de richesses peuvent ainsi réactualiser, en quelque sorte, le concept de classe sociale, du moins en termes économiques.

  • Deuxième argument

Affirmation

Le concept de classe social reste applicable car il existe un fort maintien de l’entre-soi bourgeois.

Explication

L’influence de la famille et du milieu d’origine reste important, et conditionne la réussite scolaire, notamment via la transmission du capital culturel. Les familles aisées vont donner à leurs enfants un capital culturel valorisé par l’école et valorisant pour les élèves, cela leur permettra d’accéder à des métiers à hauts revenus (souvent des postes de dirigeants), et de rester dans la même classe sociale que leurs parents. C’est ce qu’on appelle la reproduction sociale.

Une forme d’homogamie existe donc aujourd’hui, les classes supérieures habitent dans les mêmes quartiers, fréquentent des gens ayant les mêmes habitudes sociales qu’eux, des niveaux de revenus similaires et les mêmes loisirs. Ainsi, la grande bourgeoisie, au sens de classe possédante, est parvenue à conserver sa capacité et à défendre ses intérêts, à maintenir la distance sociale qui la sépare des autres classes sociales et à préserver son « entre-soi ». C’est par le principe de « distinction », concept développé par Pierre BOURDIEU qui veut que les classes supérieures tendent toujours à se distinguer des classes populaire en accumulant du capital culturel notamment, que cet entre-soi est préservé.

Ainsi, aux extrêmes de la stratification sociale chez les ouvriers, mais surtout au sein des catégories sociales aisées et très aisées, le sentiment d’appartenance reste très important, validant le critère de classe pour soi de Marx.

Illustration

L’existence de « rallyes mondains » au cours desquels les membres de la bourgeoisie et leur descendance se retrouvent entre eux pour se rencontrer et entretenir un entre-soi puissant montre une réalité de distinction bien actuelle.

Deuxième sous-partie

Il existe de nouveaux éléments de clivage au sein de la société française qui contribue à maintenir un certain nombre de frontières

  • Premier argument

Affirmation

La multiplication des critères de différenciation donne naissance à de nouvelles formes de luttes de classes

Explication

Dans les sociétés post industrielles, les critères de différenciation sociale se sont multipliés. Sont pris en compte de manière beaucoup plus approfondie qu’auparavant : le sexe, l’âge, les pratiques associatives et sportives, les goûts musicaux. Ces nouveaux critères donnent lieu pour certains à des clivages importants entre deux ou plusieurs groupes qui vont s’opposer dans une forme de nouvelles luttes des classes.

C’est notamment le cas pour les rapports de genre. Les rapports de genre sont des rapports souvent conflictuels, fondés sur un ensemble de caractéristiques relatives à la masculinité et à la féminité ne relevant pas de la biologie mais de la construction sociale. Les rapports de genre peuvent être assimilés à certains égards à des rapports de classes dans la mesure où l’un et l’autre induisent des relations conflictuelles entre deux groupes d’individus pour des raisons de différenciations socialisées et luttant l’un contre l’autre au nom de droits ou privilèges qu’ils veulent obtenir ou conserver dans l’espace social.

Les rapports de genre de nature conflictuelle ont une structure similaire aux rapports de classes au sens marxiste : les femmes luttant ensemble en tant que groupe pour obtenir des droits égaux à ceux des hommes et renverser le privilège détenu par les hommes dans certaines sphères de l’espace social.

Illustration

De nouveaux angles d’analyse apparaissent et la distinction marxiste prolétaire/bourgeois n’est plus le seul prisme par lequel on peut lire la structure sociale. En 2016, selon une étude menée par l’INSEE, les femmes étaient 1.5 fois plus embauchées pour un contrat à durée déterminée (CDD) que les hommes, ce genre de contrats étant moins protecteurs que les contrats à durée indéterminée (CDI). Cette inégalité traduit une profonde différence dans la manière dont la société considère les femmes et mène à considérer le sexe comme un nouveau critère de distinction sociale, élément qui n’était pas du tout prit en compte dans l’analyse marxiste de la structure sociale.

  • Deuxième argument

Affirmation

Un autre élément de clivage est le maintien d’une logique de domination.

Explication

Un élément essentiel dans la définition marxiste des classes sociales est le rapport de domination qui existe entre la classe bourgeoise capitaliste et les prolétaires. S’ils ne s’appuient plus uniquement sur la position économique dans le processus de production des individus, ces rapports de dominants et dominés persistent dans la société actuelle.

C’est ce qui se joue dans les rapports de genre, et que dénoncent les mouvements féministes : une domination masculine dans l’espace social qui passe par l’orthographe de certains mots, l’absence de parité en politique et dans les milieux dirigeants, l’éducation des enfants, la représentation à la télévision aux heures de forte audience…

Les rapports de domination sont encore fondés sur la possession d’un certain capital, mais plus uniquement sur le capital économique, mais sur la combinaison du capital économique, social, culturel et symbolique au sens de Bourdieu.

Les individus fortement dotés en capital social (réseau), culturel (diplômes, connaissances, manières de vivre et de se comporter), constituent les dominants et imposent au sein de l’espace social, leur mode de vie. Les modes de vie sont produits par des stratégies de distinction mises en œuvre par les classes dominantes et se modifient perpétuellement, à mesure que les dominants produisent de nouvelles pratiques pour remplacer celles qui ont été copiées par les autres catégories sociales. Pour Bourdieu, la distinction est cette stratégie mise en place (de manière plus ou moins consciente) par les catégories dominantes pour se différencier des autres groupes sociaux et les mettre à l’écart. Cette stratégie passe par un certain nombre de pratiques visibles et identifiables (choix des prénoms, pratiques sportives ou culturelles, lieu de vie, destination de vacances ...). Elle passe également (et surtout) par la transmission d’un habitus de classe, c’est-à-dire la transmission de pratiques, de codes culturels qui conduisent à l’entre-soi et à la séparation d’avec les autres groupes.

Les rapports entre les différents groupes ne sont plus nécessairement conflictuels et n’induisent plus forcément des luttes ouvertes, officielles, mais il existe bel et bien des rapports de domination notamment pour le contrôle du capital culturel, enjeu majeur selon Bourdieu. Les classes dominantes imposent leur modèle culturel et leur vision du monde aux autres classes par le biais de pratiques de distinction. Cela passe entre autres par le contrôle des institutions productrices de légitimité comme l’école ou l’État.

Illustration

Cette logique de domination est bien réelle, elle se place sur un plan économique, comme le montre le document 1 avec cette écrasante dotation en capital qui permet au 10ème décile (le plus riche) d’avoir un poids politique important. Mais elle se joue aussi sur le plan culturel avec une domination implicite des classes supérieures. Le document 2 compare en effet l’espérance de vie des cadres et des ouvriers. Seulement le point de comparaison, étant la santé, est lui-même une preuve de la domination des classes supérieures sur les classes populaires qui leur impose ses critères. La santé n’est en effet pas une priorité chez les ouvriers, alors qu’elle est centrale chez les cadres. Le prisme par lequel le document approche la question des inégalités culturelles est lui-même une preuve de la domination des classes supérieures.

Conclusion

Nous avons vu que plusieurs phénomènes ont conduit à l’affaiblissement du concept de classes sociales en tant qu’outil d’analyse de la structure sociale française notamment la multiplication des critères de différenciation et la moyennisation de la société qui va de pair avec une réduction des inégalités économiques. Pour autant, ces inégalités de revenus et patrimoine n’ont pas disparu, et la conscience d’appartenir à une classe sociale reste présente, notamment dans la classe bourgeoise.

Aujourd’hui, on peut donc considérer que la lecture de la stratification sociale française à travers le concept de classes sociales constitue une lecture parmi d’autres. Si elle est utile pour comprendre certains phénomènes sociaux, et notamment les rapports de domination, elle ne permet pas d’analyser toutes les dimensions de la vie sociale.

Les différents critères de différenciation et d’analyse existant en sociologie aujourd’hui ne sont pas incompatibles mais au contraire, s’avèrent très souvent complémentaires : c’est le cas notamment lorsque l’on cherche à comprendre le rapport des individus à la culture : le genre ou l’âge compte au moins autant que l’appartenance de classe.

Malgré les évolutions de la société, le concept de classe sociale tel qu’il était défini par Marx au XIXème siècle reste d’actualité. La notion de classe sociale n’a donc pas disparu mais simplement évolué.

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