Sujet corrigé de dissertation
Quels sont les déterminants des stratégies d’internationalisation de la production des firmes multinationales ?
Amorce
Dans un rapport publié en 2017, Amnesty International et l’ONG « African Resources Watch » pointaient du doigt 16 firmes multinationales qui exploitaient des enfants dans le processus d’extraction de Cobalt.
Définitions
Rappelons qu’une firme multinationale est une entreprise qui dispose d’un siège (et donc d’une attache territoriale) ainsi qu’une ou plusieurs autres filiales hors du territoire où est installé le siège.
Pertinence du sujet
Ce genre d’exploitation, immorale et irrespectueuse des droits de l’homme, est une pratique qui illustre la volonté des firmes de baisser leurs coûts au minimum en termes de main d’œuvre en jouant à la fois sur la localisation géographique (les FMN s’implantent dans les pays la main d’œuvre est la moins cher) et sur le jeune âge des travailleurs.
Problématique
La réduction des coûts est un objectif partagé par toutes les FMN et ce but représente souvent leur objectif premier, mais il existe d’autres déterminants de l’implantation des FMN. Nous nous demanderons donc ici, quels sont les différents éléments qui déterminent l’implantation d’une FMN dans un pays plutôt qu’un autre ?
Annonce du plan
Dans une première partie, nous verrons que les FMN recherchent un environnement institutionnel stable et avantageux. Dans une deuxième partie, nous expliquerons qu’en délocalisant il s’agit pour elles de bénéficier d’avantages économiques. Enfin, dans un troisième temps, nous aborderons l’argument de la proximité géographique au marché.
Première partie :
Un environnement institutionnel stable et avantageux est l’un des élément qui détermine l’implantation
des FMN dans les pays
Avant de s’implanter dans un nouveau pays, les entreprises recherchent en premier lieu un cadre institutionnel stable et avantageux : c’est-à-dire un pays au sein duquel le climat politique est calme (pas de guerre ou de révoltes), où les droits de propriété sont respectés ; et également où la juridiction est favorable aux entreprises (un faible taux d’imposition sur les bénéfices est par exemple une motivation pour une entreprise pour s’implanter dans un pays plutôt que dans un autre).
Première sous partie :
Un cadre politique propice au développement d’une entreprise
Explication
Les entreprises recherchent avant tout un cadre politiquement stable et où les conditions d’emploi des travailleurs sont relativement simples, la démocratique incarne cette situation. Un pays où règne une dictature n’est pas désirable puisque les entreprises ne pourront pas fixer eux même le salaire de leurs employés, et ne pourront pas dégager un profit optimal. Au contraire un pays où les libertés et les droits de chacun sont reconnus, ce qui est souvent le cas dans les démocraties, est quant à lui un pays attractif. L’absence de corruption est, de plus, une condition nécessaire au bon développement de l’entreprise dans le pays.
Les entreprises cherchent aussi des pays où la liberté d’entreprendre est encouragée et facilitée. Il s’agit de pouvoir entreprendre de façon autonome et sans contrainte.
Enfin, pour s’implanter dans un pays, les FTN s’assurent du respect de la concurrence et des droits de propriété. Le respect de la concurrence est généralement assurée par des institutions ou des lois qui veillent à ce que soit appliquées les conditions de fonctionnement d’un marché concurrentiel et qui condamnent les pratiques anticoncurrentielles notamment les ententes illicites et les abus de position dominante. Le droit de propriété est le droit, garanti par l’État, d’utiliser, et de disposer d’un bien (c’est-à-dire de le transformer, le détruire, le vendre, le donner). Les brevets d’invention sont une des formes que prend la protection de la propriété industrielle.
Illustration
Par exemple, à Zanzibar, il n’est pas possible d’investir ou d'entreprendre une affaire sans être associé avec un acteur local, c’est une condition légale à remplir, ce qui n’incite pas les entrepreneurs étrangers à venir investir dans le pays.
La présence ou l’absence d’un ou plusieurs de ces éléments juridiques incite ou décourage donc les entreprises à s’implanter dans un pays ou dans un autre.
Deuxième sous partie :
Une fiscalité avantageuse
Explication
Les FTN cherchent à optimiser leur fiscalité, à réduire au maximum les coûts liés à cette dernière, voire à les supprimer. C’est pour cette raison que certaines entreprises délocalisent des filiales ou leurs sièges sociaux dans des paradis fiscaux. Rappelons que la fiscalité désigne l’ensemble des règles, lois et mesures qui régissent le domaine fiscal d’un pays. Dans le cas des entreprises, quand on parle de fiscalité on parle des taxes et des impôts que devra payer l’entreprise. En toute logique, l’entreprise qui veut diminuer ses coûts cherchera à diminuer les impôts et les taxes qu’elle doit payer, elle tentera donc de s’implanter dans un pays où la fiscalité lui est favorable, autrement dit : où les taxes et les impôts sont faibles.
Un paradis fiscal est un pays ou un territoire à fiscalité réduite ou nulle, c'est-à-dire où le taux d'imposition est jugé très bas en comparaison avec les niveaux d'imposition existant dans les pays de l'OCDE. Ainsi les entreprises qui délocalisent leurs sièges dans ces pays peuvent bénéficier d’un taux d’imposition très bas. Au contraire, les pays où les charges sociales et patronales ainsi que les impôts sur le revenu et les bénéfices sont élevés découragent les investisseurs de venir s’y installer.
Illustration
Une étude menée en 2009 sur 809 décideurs internationaux montre ainsi que la taxation des entreprises est un des critères les plus importants quand il s’agit de s’implanter dans un nouveaux pays. En effet, 42% des personnes interrogées ont déclaré que la taxation sur les entreprises était un critère important pour décider ou non de l’implantation d’une nouvelle filiale dans un nouveau pays. (Document 1)
Transition
Ainsi les critères qui déterminent l’implantation des FMN dans un pays plutôt qu’un autre sont des critères à la fois politiques et fiscaux. Néanmoins selon l’étude de Ersnt & Young publiée en 2009 (document 1), la « qualification de la main d’œuvre » est aussi souvent citée comme critère utilisé par les décideurs internationaux. Le contexte politique et la fiscalité ne sont donc pas les seuls déterminants de l’implantation des FMN.
Deuxième partie :
Les avantages économiques représentent un second élément qui détermine l’implantation des FMN dans les pays
Première sous partie :
Des coûts de production plus faibles : matières premières et main d’œuvre
Explication
Les FMN, notamment les entreprises à production industrielle, choisissent souvent de délocaliser leurs usines de production dans des pays moins développés que leur pays d’origine afin d'accéder à une main d’œuvre peu chère. En effet le niveau de développement d’un pays détermine en partie le salaire moyen de ce même pays. Ainsi, des pays peu développés et uniquement dotés en travail non-qualifié, autrement dit les pays ayant beaucoup de main d’œuvre, n’auront pas un salaire moyen élevé puisque la production réalisée et la vente de la production, au niveau national ou à l’international, ne rapportera pas énormément de bénéfices. Le bénéfices réalisés permettent de payer les travailleurs assez pour qu’ils puissent se nourrir et vivre, et cela est possible puisque le niveau général des prix est plus bas que le niveau général des prix en Europe par exemple. Ainsi les FMN européennes pourront s’implanter dans ces pays et peu rémunérer leurs travailleurs puisque ces derniers se contentent d’un salaire faible qui correspond au niveau de vie qu’ils ont dans leur pays.
Illustration 1 à l'aide d'un document
Ainsi, d’après une étude menée en 2008 traitant des salaires horaires selon les pays, un salarié Pakistanais était payé 0.42 dollars de l’heure en 2007, ce qui représente un salaire horaire 66 fois inférieur à celui d’un allemand dans la même année. Cette différence de salaire, même si elle peut s’expliquer par une différence de qualification se justifie surtout par la différence de niveau de vie entre les deux pays (document 2).
Illustration 2 avec exemple personnel
La différence de niveau de vie entre le Pérou et la France est par exemple énorme, le salaire minimum français (SMIC) est de 1400 euros brut, ce qui représente 7 fois plus que l’équivalent du SMIC au Pérou qui est d’environ 200 euros. Les péruviens qui vivent au Pérou peuvent vivre avec cette somme (certes de manière précaire mais ils peuvent tout de même vivre), pour la simple raison que le niveau général des prix est lui aussi bien plus faible qu’en France. Cependant lorsqu’une entreprise s’implante au Pérou, elle peut en tirer des avantages. Si elle était resté en France elle aurait pu embaucher 1 employé pour 1400 euros contre 7 employés au Pérou. L’avantage de s’implanter dans un pays où la main d’œuvre est moins chère nous apparait désormais comme évident.
Les FTN peuvent également chercher à s’implanter dans des pays qui détiennent les matières premières dont elles ont besoin dans leur processus de production. Elles ont ainsi accès directement aux matières premières nécessaires et économisent les coûts de transport.
Deuxième sous partie :
Une main d’œuvre aux qualifications particulières
Explication
D’autres entreprises recherchent une main d’œuvre très qualifiée ou aux compétences particulières. Elles vont alors s’établir dans des lieux où elles auront accès aux travailleurs ayant les compétences qu’elles recherchent. Certaines entreprises décident en effet de se spécialiser dans la production de biens ou de services dont le processus de production nécessite l’utilisation de nouvelles technologies. Pour cela les entreprises ont à la fois besoin de travailleurs qualifiés (facteur travail) et de capital lui aussi très performant (facteur capital). Pour cela l’entreprise doit s’internationaliser afin de trouver les lieux de forte qualification, autant en terme de capital qu’en terme de travail.
Illustration
Ainsi le document 1 nous présente la qualification de la main d’œuvre comme un critère considéré comme important selon les décideurs internationaux, afin d’illustrer plus précisément cet argument utilisons un exemple concret. L’exemple le plus connu est celui de la Sillicon Valley. Cette région en Californie regroupe en effet les plus grandes start-up et entreprises internationales du monde comme Facebook, Apple ou encore Google. La particularité de cette région est qu’on y trouve à la fois de la recherche fondamentale (recherche publique qui mobilise beaucoup de fonds pour de la recherche à but non lucratif) et de la recherche appliquée (recherche privée qui vise essentiellement à effectuer un retour sur investissement à plus ou moins long terme), afin de faire de nouvelles découvertes et de progresser en mettant en commun les forces et les fonds du public et du privé. En s’implantant en partie en Californie, une FMN s’assure la proximité avec des travailleurs très qualifiés et du capital très performant.
Troisième partie :
La proximité géographique au marché est un troisième élément qui détermine l’implantation des FMN dans les pays
La proximité au marché permet de mieux s’adapter et assure une proximité avec le client et ses besoins propres
Explication
Afin de mieux connaître les besoins du client, certaines entreprises s’implantent directement dans les pays dont elles veulent conquérir le marché. En étant sur place, les entreprises ont plus facilement connaissance des besoins des clients, et économisent de surcroît les coûts de transport au moment de la vente des produits. La proximité au marché permet une meilleure connaissance des besoins de la population et donc d’adapter sa production de manière à ce que les biens ou services proposés soient en adéquation avec les désirs des individus.
Illustration
L’entreprise Renault par exemple, s’est installée à Tanger car la main d’œuvre est moins chère qu’en France tout en étant qualifié mais également afin de conquérir le marché de l’automobile marocain. En étant directement dans le pays elle peut plus facilement concevoir un modèle adapté aux besoins des citoyens marocains. Le besoin premier n’est par exemple plus de pouvoir chauffer la voiture ou de pouvoir écouter de la musique en roulant (ce qui ne convient ni au climat ni à la culture marocaine) mais par exemple de pouvoir climatiser la voiture (pour faire face aux grosses chaleurs l’été) et d’avoir une voiture plus résistante et plus polyvalente pour qu’elle puisse passer partout, notamment sur les sentiers ou les pistes, qui sont très nombreuses au Maroc.
Deuxième sous partie :
Réduire les coûts de transport
Explication
L’un des déterminants de l’implantation d’une entreprise à l’étranger est la proximité de l’entreprise au marché afin d’éviter de trop forts coûts de transport. Lors du processus de production, qui est désormais un processus internationalisé (c’est-à-dire qu’il met en relation plusieurs parties du monde) le bien produit doit se déplacer d’un endroit (pays) à un autre afin de continuer le processus de production. Ainsi un IPhone passe d’abord par Taïwan, pour ensuite aller en Europe, en Amérique pour ensuite retourner en Chine. Ce long voyage de 20 000 km a des coûts et la volonté de l’entreprise est de réduire ce coût. Si une entreprise implante certaines de ses usines directement dans un ou plusieurs pays dans lesquels elle vend une partie de sa production, elle réduit considérablement ses coûts de transports. Une entreprise peut aussi choisir de s’implanter dans le pays qui possède les matières premières nécessaire à la production ; économisant ainsi les frais de transports d’inputs ou matières intermédiaires.
Illustration
L’évolution des coûts de transports entre les années 1970 et les années 2000 illustre bien les efforts réalisés par les entreprises pour contenir les coûts de transport. En effet, le prix des importations CAF (coût assurance fret, c’est-à-dire ce que doit payer une entreprise lorsqu’elle fait transiter ses biens à savoir le prix du bien importé et en plus les frais d’assurance et de transport), ont diminués de 2.5% entre 1970 et 1990 pour ensuite connaître une stagnation jusqu’en 1995 et une légère augmentation jusqu’en 2000. La tendance reste cependant à une diminution des coûts de transport témoignant d’une logique d’internationalisation toujours plus intense (document 3).
Les choix de délocalisations des FMN reposent sur trois grands types de déterminants. Elles choisissent généralement avant toute chose de s’implanter dans un pays ayant une situation politique stable et propice au bon développement d’une entreprise. En second lieu elles vont avoir tendance à rechercher des avantages économiques comme une main d’œuvre et des matières premières bon marché ou des compétences spécifiques. Enfin, elles peuvent utiliser les délocalisations pour bénéficier d’une proximité géographique au marché d’approvisionnement, ou bien au marché de débouchés, afin d’économiser dans un cas comme dans l’autre les coûts de transport.
Les avantages des délocalisations pour les firmes multinationales sont indéniables aujourd’hui. Cependant la manière ou la forme que prennent ces délocalisations ne sont pas toujours respectueuses des droits de l’homme et participent par la multiplication des transports à la pollution environnementale. Quelles sont les limites de l’internationalisation de la production, y-a-t-il aujourd’hui d’autres moyens de produire sans utiliser cette logique de production internationalisée ?