Le patrimoine, démonstration de puissance et affirmation identitaire
Accroche
« L’architecture est le témoin incorruptible de l’Histoire » disait Octavio Paz, essayiste et diplomate mexicain. Si cette citation se concentre sur la catégorie précise des bâtiments, le sens de cette expression, lui, est global : le patrimoine est un lien entre passé et présent, un dialogue entre générations anciennes et futures.
Définition et contexte
Le patrimoine désigne l’ensemble des biens matériels ou immatériels transmis, et nous permet de comprendre les évolutions historiques et de cerner les différentes organisations sociétales, la perception de l’art d’une époque et les événements que nos ancêtres souhaitaient inscrire dans l’Histoire. En outre, le patrimoine joue un rôle identitaire : il participe au sentiment d’appartenance à une humanité, une civilisation, une société culturelle.
Problématique
Quelles particularités propres au patrimoine lui confèrent un double enjeu, à la fois sur la sphère internationale de démonstration de puissance géopolitique et sur le plan interne à chaque pays d’affirmation identitaire ?
Annonce du plan
Dans une première partie, nous évoquerons la façon dont le patrimoine est un indicateur de prestige et de grandeur des états, ainsi que de sa capacité d’adaptation, de modernisation et de maitrise technique. Dans un second temps nous montrerons que le patrimoine porte une mission identitaire, comme l’illustrent l’existence d’un patrimoine immatériel et les conflits qui ravagent le patrimoine et déstabilisent les peuples.
Nous verrons dans une première partie que le patrimoine est un vecteur de démonstration de la puissance d’un État.
Première sous-partie
Le patrimoine est une manière pour un État de démontrer aux yeux du monde et des autres pays sa puissance.
Cette caractéristique du patrimoine était particulièrement vraie au temps des guerres entre empires et
civilisations, le patrimoine servait alors à impressionner les visiteurs et à intimider les ennemis potentiels.
Ainsi, on peut citer le Parthénon à Athènes, construit de 447 à 432 av. JC, lieu protecteur de la statue
d’Athéna Parthénos, et symbole d’une cité avant-gardiste et influente.
Aux XVIIème et XVIIIème siècles, le château de Versailles en France témoigne du prestige des rois. Il
porte même une dimension sacrée, et la richesse de la décoration extérieure ainsi que le détail des ornements
des pièces se veut à la hauteur de la monarchie de l’époque.
En 1909, lors de l’exposition universelle à Paris, la Tour Eiffel prouve au monde les prouesses techniques
dont la France est capable. Ce patrimoine s’inscrit par la suite comme un symbole de toute une nation, et
devient le second monument le plus visité au monde, avec 7 millions de visiteurs par an.
Deuxième sous partie
Le patrimoine démontre également la puissance d’un État en tant que témoin de sa capacité de modernisation et
d’adaptation aux réalités de l’époque.
Le château de Versailles est un exemple que nous pouvons citer à nouveau. N’accueillant plus la monarchie,
la bâtisse a su se réinventer et échapper à la destruction en devenant un musée et lieu de mémoire de la
monarchie. Le patrimoine évolue en fonction de nouveaux besoins.
A Paris, la période napoléonienne est marquée par l’œuvre du baron Haussmann, qui va transformer la
capitale. En réorganisant les étages des bâtiments selon un ordre précis et en décorant les façades extérieures,
le baron a pour ambition d’harmonier l’architecture de la capitale. Il élargies ensuite les avenues et crée de
grands axes offrant à chaque avenue une vue privilégiée sur un monument historique.
Cet élargissement des avenues, combiné à un assainissement général de la ville, a également pour fonction de
prévenir les éventuels mouvements de révoltes, la structure de la ville étant devenue moins propice aux réunions
clandestines dans des rues sinueuses.
Le Patrimoine de Paris se construit ainsi tout en s’adaptant à la modernisation de la société, qui a
besoin de meilleurs transports, de nouveaux logements et de zones industrielles.
Transition
Le patrimoine est donc un outil de démonstration de puissance, mais aussi le témoin d’une capacité des nations
à évoluer avec leur temps et d’adapter leur patrimoine aux réalités de l’époque.
Au-delà d’un outil de démonstration de puissance, le patrimoine est aussi une question identitaire.
Première sous partie
Le patrimoine n’est pas seulement le bâti. Il désigne aussi l’ensemble des conventions culturelles, des
traditions, langues, savoirs traditionnels, rituels et arts mis en place par les différentes communautés du
monde, et qui participent à l’affirmation de leur identité.
La notion de patrimoine immatériel est instaurée pour la première fois en 1982 lors de la conférence
mondiale sur les politiques culturelles à Mexico. En 2003, la convention pour la sauvegarde du patrimoine
culturel immatériel est créée.
La notion de patrimoine a également évolué pour s’inscrire comme composante du bien commun des nations.
En 1972 est élaborée la convention sur le patrimoine mondial de l’humanité, sous l’égide l’UNESCO. Le
patrimoine devient un outil de rapprochement entre les individus, outil qui les lie à une identité commune.
Deuxième sous partie
L’importance identitaire du patrimoine se révèle également lors de conflits, au cours desquelles les bâtiments,
mais aussi le mode de vie ou les représentations traditionnelles des peuples sont détruits.
Au Mali, de nombreux mausolées de Tombouctou furent détruits en 2012 sur ordre de l’AQMI (Al-Qaïda au
Maghreb Islamique). Dans le cadre d’une tentative de « nettoyage culturel » de la part des djihadistes,
plusieurs monuments disparaissent ou sont menacés et ces évènements résultent en une fragmentation de la
population malienne, qui perd son patrimoine, une partie de son identité et donc son attachement à sa propre
culture.
Les conflits identitaires peuvent parfois ressurgir plusieurs siècles après un traumatisme. Aujourd’hui,
la Grèce continue de réclamer à l’Angleterre les frises du Parthénon, récupérées en 1801 par l’ordre Elgin et
installées au sein du British Museum depuis. Une partie de la population grecque considère aujourd’hui que ces
frises font partie de leur histoire, de leurs racines, et que leur absence participe à un manquement
identitaire.
En tant que notion multidimensionnelle, le patrimoine est un outil d’affirmation de la puissance et de
démonstration du prestige et des capacités techniques et artistiques d’un pays, mais il est aussi porteur
d’identité.
La perte du patrimoine peut d’ailleurs se traduire par un déclin du sentiment d’appartenance d’un peuple,
et affaiblir les populations.