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Fiche vérifiée

En quoi la montée en puissance du domaine scientifique dès le XIXème siècle témoigne-t-elle d’une mutation de la société et de l’émergence d’une « société de la connaissance » ?

Introduction

Amorce

L’expression « Société de la connaissance » fut employée la première fois en 1969, au cœur de l’ouvrage de Peter Drucker, « La Grande Mutation ». Elle désigne à l’époque une société en plein boom technologique, dans laquelle le savoir devient synonyme de puissance, et le fruit de nouvelles économies.

Contexte

Pourtant, bien que l’expression soit relativement récente, c’est bien dès le milieu du XIXème siècle que l’on observe une transformation de la société, qui assiste à l’émergence d’une véritable communauté scientifique. La maitrise des savoirs et la capacité d’innovation deviennent des enjeux de pouvoir, de développement et la légitimité, voire l’autorité de « ceux qui savent » s’accroît.

Problématique

Comment comprendre cette mutation et avec quelles conséquences sociétales ?

Annonce du plan

Dans un premier temps, nous analyserons l’évolution de la perception du savoir et de la science depuis la fin du XIXème siècle et le début du XXème. Dans une seconde partie, nous étudierons l’aspect économique du savoir et la façon dont la connaissance s’est inscrite dans un système capitaliste. Enfin, dans un troisième temps, nous nous focaliserons sur l’aspect géopolitique de cette mutation, et montrerons que la science représente non seulement un outil au cœur des conflits, mais aussi le fer de lance de politiques de développement plus globales.

Première partie

Comment la perception du savoir et de la science a-t-elle évolué depuis la fin du XIXème siècle / début du XXème siècle ?

Première sous partie

Au XVIIème siècle déjà, le terme « savant » au sens purement littéral désignait les hommes porteurs d’une connaissance fondée sur des expérimentations et des vérifications, et les distinguaient de ceux qui avaient des croyances traditionnelles.

Au lendemain des premiers chocs de la révolution industrielle, les découvertes et les innovations scientifiques vont se multiplier, apportant de nouvelles innovations et modifiant profondément le regard que le monde porte sur la recherche.

On observe à partir de la fin du XIXème siècle le déplacement de la notion de pouvoir. Celle-ci n’est plus seulement corrélée à la force physique d’une population ouvrière, à la résistance des matériaux disponibles ou à la rapidité de production des industries de masse. Le pouvoir devient synonyme de savoir et de maitrise des connaissances.

La figure du scientifique se valorise donc, et ces derniers vont jouir d’une nouvelle reconnaissance. Ils se spécialisent et développent des « expertises » de certains sujets, et les collaborations de chercheurs se multiplient. De nombreux moyens sont peu à peu mis en œuvre qui viennent également institutionnaliser l’importance des recherches menées, telles que les Centre Nationaux de Recherche Fondamentales (dont le CNRS en France).

Deuxième sous partie

Les scientifiques forment alors une véritable communauté qui cherche à accroître sa notoriété autour de prix, récompenses et événements visant à les mettre en valeur mais aussi à partager les connaissances : c’est le phénomène de circulation des connaissances.

Le prix Nobel est instauré pour la première fois en 1901, et récompense dans les matières scientifiques les grands chercheurs de l’année, notamment en physique, chimie, biologie, mathématiques. Pierre et Marie Curie, couple de physiciens, partagent en 1903 le prix Nobel de physique avec Henri Becquerel, grâce à leur découverte de la radioactivité. Ils représentent cette force scientifique en plein essor, et jouissent d’une renommée inédite.

Les revues scientifiques incarnent également ce phénomène de circulation de la connaissance. Elles permettent aux scientifiques de partager leurs découvertes au reste de la communauté mais aussi d’avoir une reconnaissance hors norme : ces revues sont sélectives et la publication assure aux auteurs une augmentation du budget qui leur alloué pour leurs travaux. Des congrès internationaux rassemblant les chercheurs s’institutionnalisent à partir de 1911.

Transition

Au-delà de l’émergence d’une communauté scientifique et de la succession de nouvelles découvertes, la « société de la connaissance » telle que nous la définissons ici se traduit également par une mutation des systèmes économiques.

Deuxième partie

La facette économique du savoir et l’inscription de l’économie de la connaissance au sein d’un système capitaliste.

Première sous partie

Face aux multiples crises économiques qui frappent le monde tout au long du XXème siècle, telles que le crash boursier de 1929, pulvérisant parfois les systèmes économiques et industriels classiques instaurés, l’innovation apparait alors comme la seule réponse possible. Le savoir devient dans ce contexte une force d’adaptation à travers la mise en pratique de théories de management, de modèles entrepreneuriaux et de nouveaux circuits économiques théorisés par les chercheurs.

L’entreprise qui parvient à s’adapter et à maitriser ces connaissances est celle qui survit aux crises, se développe et devient un modèle. On parle d’économie de la connaissance pour désigner des circuits de création de richesses qui reposent sur l’importance d’un savoir technique associé à une grande flexibilité des entreprises capables de se réinventer pour s’adapter à la conjoncture en utilisant leur capital scientifique.

Deuxième sous partie

Dans le cadre de la mondialisation et de cette nouvelle économie, les Etats-Unis démontrent dès le milieu du XXème siècle l’importance de ce qu’ils appellent des « knowledge workers », des travailleurs compétents dans les domaines informatiques, technologiques, mathématiques. La force ouvrière est quant à elle délocalisée, dans une optique de réduction des coûts de production.

Les pays développés investissent dans une force universitaire, afin d’une part de pouvoir vendre ensuite un capital intellectuel puissant, et d’autre part de développer de véritables pôles économiques de connaissance, à la pointe de la recherche technologique ou informatique, comme la Silicon Valley aux Etats-Unis, qui connait un essor fulgurant dès les années 1950.

La collaboration des savoirs permet également la mise en œuvre de projets de grande ampleur tels que le site actuel de Cadarache, près d’Aix-en-Provence, le plus grand centre de recherche nucléaire européen.

Transition

Nous venons d’étudier comment la connaissance et le pouvoir scientifiques permettent l’émergence d’une communauté de chercheurs, porteurs d’innovations et reconnus dans la société.
Nous avons montré également que cette évolution du savoir s’accompagne d’une mutation globale de la société qui développe de nouveaux modèles économiques et propose un rapport inédit à la puissance.
Dans une troisième partie, nous verrons que la connaissance est aussi responsable d’enjeux géopolitiques complexes, notamment en matière de surveillance et de compétition du savoir dans le cadre de conflits étatiques.

Troisième partie

Les enjeux géopolitiques du développement de l’économie de la connaissance et la science comme arme « géopolitique »

Première sous partie

Les guerres mondiales, notamment la seconde de 1939 à 1945 vont institutionnaliser l’espionnage et la collecte secrète d’informations, pratiques qui existaient de manière officieuse dès l’Antiquité. Lors de la Guerre Froide, ce phénomène s’est intensifié et l’enjeu s’est modifié : l’URSS et les Etats-Unis ne s’affrontant pas directement, la course au savoir, à la maitrise technologique et scientifique, ainsi que la propagation de fausses informations à l’égard du camp adverse incarne alors le véritable combat.

Dès 1945, on assiste à l’exfiltration de scientifiques nazis ainsi qu’au recrutement de savants allemands, dont ceux de l’opération dite Paperclip, au cours de laquelle 3000 scientifiques furent envoyés aux Etats-Unis.
Au cours des années 40 et 50, la course aux étoiles témoigne de cette urgence de démontrer la supériorité scientifique et technique des États.
En 1947, le National Security Act officialise la création de la CIA, qui souhaite, en plus de récupérer de l’information et des données, empêcher la propagation communiste. De son côté, le KGB aurait employé au pic de la guerre environ 6 millions de personnes, entre informateurs officiels et infiltrés illégaux.

Deuxième sous partie

La connaissance est, enfin, enjeu de développement des nations. Le cas de l’Inde est à ce titre emblématique. En 1947, après l’indépendance du pays, le premier ministre Nehru propose de renforcer le dispositif de promotion de la culture scientifique. Des instituts de technologie sont créés, dont le très sélectif institut de Delhi.

Alors qu’il y avait 300 000 étudiants en Inde en 1949, ils sont plus de 33 millions aujourd’hui. La présence d’ingénieurs et d’informaticiens indiens sur la scène internationale est aujourd’hui très importante : une grande partie des cadres travaillant pour les GAFAS aux Etats-Unis est d’ailleurs issue de la communauté indienne. Ce succès rapide de la classe scientifique indienne s’explique en grande partie par la rigueur liée à l’étude des textes sacrés couplé à l’émergence de pôles de recherche de haut niveau.

Conclusion

Bilan

L’émergence d’une communauté scientifique est à la fois vectrice et témoin d'une mutation profonde de la société, tant au niveau sociétal, qu’en termes économique et géopolitique. La société a pu concevoir une nouvelle manière de détenir du pouvoir, celui du savoir et de la connaissance, essentielle pour s’adapter et survivre aux changements incessants de l’époque contemporaine. La Science a su s’imposer et obtenir une légitimité, pour former un ensemble d’experts reconnus et écoutés.

Ouverture

Le savoir est aujourd’hui plus que jamais un enjeu, à l’heure de la mondialisation et de l’accès à l’information quasi immédiat, et ce aux dépens parfois de l’information privée.

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