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Fiche vérifiée

La justice

Questions liées à la notion

Suivre la loi est-ce suffisant pour être juste ?

Obéir à la loi fait-il de nous des êtres justes ou faut-il être dévoué et conscient de la finalité de la loi pour être juste ?

Dans la mesure où le plus fort exerce son pouvoir en accord avec la loi de la nature, peut-on réellement parler d’injustice ? La justice naturelle n’est-elle pas aussi une forme de justice qui justifie la loi du plus fort ? La force peut-elle fonder le droit ?

Comment savoir si une loi est juste ? Existe-il une justice universelle ? Y a-t-il un droit à se venger ?

Concepts

Justice

Valeur morale fondée sur le respect de la personne et incarnant des principes d’égalité et d’équité.

Droit

Ensemble des droits et règles qui dirigent la vie en société.

Droit objectif

Ensemble des lois qui régissent les rapports des hommes entre eux. Le Code pénal en France est un texte juridique contenant les lois fixant les peines, il relève du droit objectif.

Droit subjectif

Faculté appartenant à l’individu et lui permettant d’exiger ou de faire certaines choses. Le droit à la parole, en tant qu’il est revendiqué par un individu affirmant "j’ai le droit à la parole" relève du droit subjectif, la loi générale a été appropriée par l’individu.

Droit positif

Le système des lois tel qu’il est effectivement.

Droit naturel

Système des lois tel qu’il devrait être idéalement, le droit naturel n’est donc pas effectif.

Loi

Du latin lex, "loi", "règle". En philosophie, ce terme a deux usages majeurs : un usage pratique, la loi équivaut alors à la notion de règle, et un usage scientifique, la loi relève dans ce cas de la nécessité.

Loi sociologique

Loi émanent des traditions, des coutumes et qui s’impose de manière progressive et souvent inconsciente.

Loi morale

Loi émanent de la conscience et d’un consensus trouvé entre les sujets qui composent la société.

Lois juridiques

Lois édictées par le pouvoir législatif et qui forment ce que l’on appelle le "droit" au sens strict.

Equité

Principe impliquant l’appréciation juste et le respect absolu de ce qui est dû à chacun.

À ne pas confondre avec l’égalité, en effet une décision peut être égalitaire, comme donner à tous les Hommes un droit de parole égal, mais pas équitable, puisque certains auront moins l’occasion de s’exprimer dans la sphère sociale comme les individus issus de classe populaire par exemple. L’équité, dans ce cas là, consisterait à mettre en place des dispositifs pour avantager les personnes qui ont moins accès à la parole, comme par exemple faciliter leur accès à des postes à responsabilité dans leur commune (maire, adjoint du maire, secrétaire, député, etc.)

Vice

Disposition habituelle à faire ce qui est jugé moralement et/ou socialement mal. Le vice est puni par la justice.

État

Unité souveraine formée par des populations vivant sur un territoire définit et reconnu comme une organisation juridique et politique.

Initialement détenteur de tous les pouvoirs.

Les philosophes et penseurs John Locke et Montesquieu élaborent la théorie de la séparation des pouvoirs afin de restreindre l’arbitraire du pouvoir. Ils divisent ainsi les pouvoirs de l’État en trois branches, chacune dirigée par des individus différents :

  • Le pouvoir législatif qui s’occupe de l’élaboration et de la ratification des lois ;
  • Le pouvoir exécutif qui s’occupe de la mise en œuvre des lois et de leur exécution ;
  • Et le pouvoir judiciaire qui s’occupe de la dimension pénale de l’État, c’est un pouvoir coercitif, il juge si les lois ont bien été respectées ou non.

Repères utiles

Absolu / Relatif

Est absolu ce qui est indépendant et ne varie pas. Est relatif ce qui dépend d'autre chose et varie en fonction de cette chose.

En nous référant aux termes relatif et absolu nous pouvons distinguer la vérité de l’opinion. L’opinion est relative, puisqu’elle dépend de la subjectivité de l’individu. Le sophiste Protagoras affirme que toute connaissance est relative et relève de l’opinion. Mais le philosophe s’y oppose et défend l’existence de la vérité qui, quant à elle, vaut absolument, c’est-à-dire indépendamment des caractéristiques de l’individu qui la prononce. Les vérités mathématiques, parce qu’elles sont les mêmes pour tous, sont, par exemple, absolues.

La question d’une justice absolue se pose puisque même si la justice suit des lois, elle est le résultat d’un consensus qui reste relatif à notre humanité. À l’inverse la justice divine est absolue et non relative.

En fait / En droit

Du latin facere, qui signifie "faire", l’expression "en fait" désigne ce qui existe effectivement. Du latin directus, qui signifie "en ligne droite", l’expression "en droit" désigne quelque chose qui doit être parce qu’il est légal ou légitime. Ce qui est "en droit" n’est pas effectivement, ou du moins n’est pas naturellement. Ce qui est en droit doit advenir pour ajuster les inégalités ou d’autres déséquilibres ou maux sociaux.

Les deux expressions ne sont pas contraires, elles se complètent. Ce qui est en fait est de l’ordre de l’action, ce qui est en droit est de l’ordre de la morale et du droit. Par exemple le fait de voler une voiture fait de cette voiture son bien propre en fait, mais pas en droit puisqu’elle reste une voiture volée.

La justice pose alors une exigence de morale contenue dans le droit mais pas dans le fait.

Légal / Légitime

Les deux mots ont une étymologie commune, lex qui signifie "loi", toute la différence tient dans le type de loi à laquelle ils se référent. Est légal ce qui est conforme à la loi civile, issue du droit positif. Est légitime ce qui est conforme à la loi morale, c’est-à-dire conforme à une loi idéale issue de la conscience individuelle ou à ce qui est juste dans l’absolu.

Il convient de bien distinguer ces deux termes, leur distinction tient souvent dans la distinction public/privé. En effet la sphère publique est régie par les lois, au contraire, la sphère privée relève plutôt de la loi morale et du comportement individuel. Dès lors des pratiques telles que l’avortement peuvent être illégales dans certains pays alors qu’elles sont tout à fait légitimes et moralement acceptables. Au contraire la peine de mort est illégitime pour la plupart des individus mais elle reste légale dans certains pays.

La justice, quant à elle, combine les deux dimensions, elle reflète à la fois une dimension morale, elle doit punir le mal et récompenser le bien, et à la fois une dimension formelle qui établit des lois plus ou moins rigides.

Public/ Privé

Du latin privatus, qui signifie "particulier, individuel", ce qui est privé renvoie à la chose qui est propre au sujet et qui le concerne exclusivement. Du latin publicus, "qui intéresse le public" descendant de populus, signifiant "le peuple", ce qui est public renvoie à quelque chose qui appartient au peuple. Est public un bien qui est accessible à tous.

À l’origine cette distinction est d’ordre juridique et désigne deux espaces opposés mais elle trouve également un sens en philosophie. Pour Sartre, par exemple, nous sommes ce que nous faisons et ce que nous montrons aux autres. Un homme ne se définit pas par ses actes en privé, ce n’est pas ce qu’il fait seul sans regard à affronter qui fait ce qu’il est, mais à l’inverse, il se définit par ses actes en public quand il doit se confronter au regard de l’autre.

Identité/ Égalité / Différence

Du latin identitas, "qualité de ce qui est le même", l’identité caractérise deux choses qui sont égales en tous points, autrement dit, qui sont les mêmes. Du latin aequalis, "du même niveau", l’égalité caractérise deux choses qui sont les mêmes en certains points, qui se ressemblent, c’est un degré de ressemblance moindre que l’identité. Du latin differentia, "différence", la différence caractérise quant à elle deux choses qui ne sont pas égales en tous points, c’est-à-dire qui ne sont pas identiques.

La justice est une valeur morale fondée sur l’égalité et l’équité, ainsi les concepts d’identité, d’égalité et de différence sont majeurs en philosophie du droit et de la justice. Ils permettent de donner à ceux qui méritent le même traitement d’avoir un traitement identique, mais à la fois de donner à tous une part égale pour remplir un objectif d’égalité et enfin de traiter les individus de manière inégale et différente quand la situation l’exige : c’est ce qu’on appelle l’équité.

Auteur(s)

Simone WEIL

Les formes de l’amour implicite de Dieu, 1942

Selon Weil, la justice est quelque chose qui bouleverse le cours naturel des choses. Elle attribue une part de miracle à la justice.

Weil distingue alors deux types de justice :

  • La justice naturelle. C’est la justice qui suit le cours naturel des choses, ainsi le fait que le plus fort gagne contre le plus faible relève de la justice naturelle, il est normal et juste que le lion mange la gazelle parce qu’il est plus fort qu’elle. Elle s’apparente à l’égalité, chacun a le même traitement, et le plus fort écrase les autres.
  • La vertu surnaturelle de justice. C’est la justice au sens d’une justice équitable, au sein de laquelle le plus fort renonce à une part de sa force pour aider le plus faible. Elle s’apparente davantage à la notion d’équité.

La justice au sens où on l’entend, en son sens commun et contemporain, est plus proche de la "vertu surnaturelle de justice". Seulement, Weil insiste bien sur le fait que la justice n’est pas naturelle, au contraire, le plus fort doit renoncer à sa nature d’être puissant pour se diminuer et donner des droits au plus faible.

Une citation de Friedrich Nietzsche illustrant bien ce fait est la suivante : "Exiger de la force qu’elle ne se manifeste pas comme force (…) c’est tout aussi absurde d’exiger de la faiblesse qu’elle se manifeste comme force." (La généalogie de la morale, 1887). Selon cet auteur allemand, le fait de renoncer à la puissance pour l’être fort est fondamentalement contre nature et cela demande un véritable effort.

Ainsi la justice possède effectivement une part de surnaturelle et de contre-nature selon Weil.

SPINOZA

Traité théologico-politique, 1670

Selon Spinoza, les hommes ont du mal à saisir le sens des lois qui leurs sont imposées et ne voient, par conséquent, ces lois que comme des contraintes sans y voir le caractère juste et utile qui se cache derrière. La dimension contraignante d’une loi ou d’une règle n’est que superficielle, et si l’homme y reste borné, il ne pourra pas devenir un homme libre et juste. Au contraire, si il parvient à saisir le sens des lois qu’il suit et leurs obéit "parce qu’il connait la vraie raison des lois et leur nécessité", il devient un sujet libre et juste. Ainsi la loi n’apparait plus comme une contrainte à suivre si l’homme en prend connaissance, la comprend, et la suit volontairement.

PLATON

Criton, IVème siècle av. J.-C

Dans ce dialogue, Platon raconte comme Criton essaye de convaincre Socrate, condamné à mort par la cité, de fuir pour éviter la mort. On parle dans ce discours de la prosopopée des lois (personnification des lois), parce que Socrate fait parler les lois à travers son propre discours, comme pour voir la réaction qu’elles auraient face à l’idée de Criton de fuir. Fuir le jugement des lois reviendrait à renoncer à une partie de l’État et de la cité dans laquelle Socrate a pourtant choisi de vivre et de grandir toute sa vie durant. Il aurait pu, en effet, choisir une autre cité si les lois ne lui convenaient pas, mais en choisissant de rester à Athènes, Socrate s’exposait aux bienfaits comme aux sanctions des lois de cette cité.

Ainsi, par ce discours, Socrate montre à quel point les lois sont importantes dans une cité pour structurer la vie en société tout en permettant d’éduquer les hommes, et que si elles sont mauvaises c’est à cause des hommes eux-mêmes et non à cause de la nature des lois.

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