Dissertation Ce qui est normal est-il toujours naturel ? NOTION : La nature Perspectives : L’existence humaine et la culture, la connaissance INTRODUCTION Amorce « L’homme est un loup pour l’homme », Thomas Hobbes. Par ces mots, le philosophe anglais du XVIe siècle considère que l’homme, à l’état de nature, est un danger pour ses semblables. L’Homme doit donc se contraindre et renoncer à sa propre nature égoïste pour vivre en société. En mettant cette conception en perspective des sociétés modernes où les citoyens vivent ensemble sans soucis, il semble y avoir une opposition entre ce qui est normal à notre époque, et ce qui est naturel. Enoncé du sujet Ainsi, ce qui est normal est-il naturel ? Définition des termes La définition du terme « naturel »va dépendre du sens du mot « nature » que l’on veut lui associer. Soit il est question de la Nature, autrement dit de l’environnement au sens de la faune, la flore et les phénomènes naturels qui régissent le monde. Dès lors, ce qui est naturel est ce qui vient de la Nature que l’on trouve autour de nous. Soit il est question de la nature, c’est-à-dire ce qui définit un être dans son essence la plus profonde. La nature du chien est par exemple d’aboyer, celle du chat de miauler… Dès lors, ce qui est naturel est ce qui vient de la nature, c’est-à-dire de l’essence des êtres en question. (Il faudra jouer sur ce double sens de la nature dans notre développement.) Au sens strict, ce qui est normal est ce qui est conforme à une moyenne que l’on va considérer comme une norme. Donc ce qui est normal est ce qui se conforme à une norme. Le terme peut être compris de manière purement arithmétique, c’est-à-dire que ce qui est normal c’est ce que l’on retrouve en plus grand nombre dans la nature. Les termes « ce qui » doivent également être questionnés. Il est important de se demander ce dont il est question dans le sujet. Parle-t-on de ce qui nous entoure au sens de l’environnement ? Parle-t-on des comportements des êtres humains qui nous entourent ? Parle-t-on du régime politique dans lequel nous vivons ? Il faut montrer la diversité de sens que peut porter « ce qui ». Questionnement (aboutissant sur la problématique) Il existe, dans la doxa l'idée d'une relation entre nature et norme centrée sur la Nature au sens d'environnement. Ce qui définirait la normalité est la nature, puisqu’elle est le cadre dans lequel les Hommes évoluent, entretiennent des relations et vivent. Par conséquent c’est en observant la Nature que les êtres vivants, et notamment les êtres humains, étiquettent les choses comme étant normales ou anormales. Si l'on revient maintenant à la définition de la normalité, elle renvoie à une chose qui est conforme à une moyenne que l’on considère comme la norme. Il y a, dès lors, un argument purement arithmétique à relever. En effet la norme, si elle est définie par la moyenne et que cette même moyenne est calculée sur les comportements dits « naturels » des agents, alors comment la normalité ne pourrait-elle pas être naturelle ? Si c’est ce qui est « en moyenne » le plus répandu qui est « normal » et que ce qui est le plus répandu est ce qui est naturel, car inné et instinctif, alors nécessairement, ce qui est normal provient de ce qui est naturel et ce qui est naturel est ce qui est normal. Dès lors, est-il possible de concevoir le naturel comme anormal ? Problématique Est-il possible de concevoir le naturel comme anormal ? Annonce de planNous verrons dans un premier temps, qu'il n'est pas possible de concevoir le naturel comme anormal, ce qui est naturel est normal, car régit par des lois. Ensuite, nous nous demanderons de quelle manière, étant donné la corporalité et la finitude de l’homme, ce qui est naturel pourrait apparaître autrement que normal aux yeux des hommes ? Enfin, nous nous interregerons sur l'existence de la normalité. DEVELOPPEMENT I. Ce qui est naturel est normal, car régit par des lois... A. La Nature, en tant que faune, flore et minéraux, autrement dit en tant que monde, est réglée par diverses lois physiques et mathématiques. Antoine-Augustin Cournot, Matérialisme, vitalisme, rationalisme, 1875 Selon Cournot, mathématicien et philosophe français du XIXe siècle, les sciences naturelles ont pour but de dégager des lois naturelles, et non des faits contingents sans unité. Le constat implicite qui apparait ici est le suivant, la Nature n’a pas un fonctionnement contingent (c’est-à-dire sans structure particulière), mais au contraire la Nature est ordonnée et c’est pour cette raison qu’il est possible de l’expliquer de manière rationnelle, en utilisant des outils précis, physiques ou mathématiques. Dans Matérialisme vitalisme, rationalisme, Cournot écrit : « Si l'arrangement du monde rend possible, à un instant et dans un lieu donné, tel phénomène qui n'était pas possible auparavant, c'est en elle-même que la Nature trouve la puissance d'agir, conformément à certaines lois générales, quand les circonstances s'y prêtent ; et ce principe trouve son application en physiologie, en biologie comme en physique. » Ainsi, cette citation met en exergue le fait que si la Nature « trouve la puissance d’agir » et d’évoluer d’une certaine manière, c’est qu’elle est déterminée et guidée par des « lois générales. » Donc le « naturel », en tant que ce qui relève de la Nature physique est, encore une fois, considéré comme normal car il répond à une ou plusieurs normes, loi. B. La nature humaine est également régie par un certain nombre de critères et de règles qui définissent les Hommes comme tels : la nature humaine est par conséquent normale et normée. Platon, Timée, « la théorie des formes » L’homme se définit, chez Platon, par sa correspondance à la forme d’homme. La forme est, ainsi, une idée parfaitement formée de l’homme dans son essence la plus pure. Toute chose n’existe en tant que chose que parce qu’elle remplit un certain nombre de critères répondant à une certaine forme, à une certaine idée. Ainsi la chaise dans le monde sensible est une version imparfaite de l’idée de chaise qui existe dans le monde des idées, mais toujours est-il que la chaise existe en tant que chaise parce qu’elle répond à certains critères, comme le fait d’avoir quatre pieds sur lequel reposer, avoir un dossier et une assise. De la même manière, l’homme sensible est une version moins parfaite que l’idée d’homme. Par conséquent, en répondant à sa propre nature (avoir deux bras, deux jambes, une tête, deux oreilles …), il est normé et se voit considéré comme normal. C. L’état de nature est normal, en tant qu’il est ordonné par les lois de la nature, mais est-ce que cela suffit à justifier son existence ? L’École du droit naturel, XVIIe siècle L’école du droit naturel est une école qui traite essentiellement du passage de l’état de nature à l’état civil, ou état de droit. L’état de nature est un état hypothétique imaginé par les théoriciens du contrat social pour examiner les conditions d’apparition du lien social et de l’état civil. De plus l’état de nature, en tant qu’il est l’état le plus primitif, est régit par les lois de la nature, il se voit donc profondément normal, car répondant à une moyenne. Un des grands auteurs de cette école est Thomas Hobbes. Thomas HOBBES, Le Léviathan, 1651 Dans l’état de nature de Hobbes, l’homme existe dans une pseudo liberté qui le restreint à ses capacités naturelles, l’expression « la loi du plus fort » illustre très bien cette situation. Ainsi de manière innée, le loup mange la brebis. L’état de nature est un « état de guerre de tous contre tous. » Cependant les Hommes, en tant qu’êtres raisonnés établissent un contrat social pour sortir de cet état de guerre permanent. Ils décident tous ensemble de se restreindre dans leur liberté afin d’obtenir une situation pérenne et sécuritaire. C’est cet assemblage d’individus liés par un contrat social que l’on appelle Le Léviathan. C’est ce même Léviathan, à qui l’individu décide de donner sa liberté en échange de la sécurité, qui bénéficie du monopole de la violence légitime pour punir quiconque dérogerait aux lois établit par le Léviathan, c’est-à-dire par la communauté elle même. Par conséquent, le passage de l’état de nature à l’état civil se fait par une volonté individuelle de se lier pour atteindre une situation pérenne au sacrifice de certaines libertés. L’homme, par sa volonté, sort par conséquent de la « normalité » de l’état dans lequel était le monde pour atteindre une situation lui permettant d’être davantage en sécurité. Transition Cependant, cette conclusion pose un nouveau problème, comment l’Homme, en tant qu’être fini et limité, peut-il sortir d’une nature qui lui est propre ou d’un environnement par lequel il a toujours vu et toujours senti ? Comment sortir de sa nature et de la Nature ? Cela est-il possible ? II. Comment, étant donné la corporalité et la finitude de l’homme, ce qui est naturel pourrait apparaitre autrement que normal aux yeux des hommes ? A. La Nature, en tant que divinité, est ce qui structure et règle le monde. Baruch Spinoza, Le traité théologico-politique, 1670 Dans Le traité théologico-politique et dans l’Éthique ensuite, Spinoza écrit cette expression : « Deus sive Natura », « Dieu, c’est-à-dire la Nature ». Par cette expression, le philosophe moderne néerlandais assimile Dieu à la Nature. Ainsi, la Nature serait tout et connaîtrait tout en ce sens qu’elle serait la cause de tout. Selon Spinoza, la Nature est donc celle qui structure le monde, et par là même, elle dicte les lois qui dirigent les autres êtres, comme les Hommes par exemple, sans être soumise à aucune. Cette conception pose l’immanentisme de Dieu, c’est-à-dire qu’il soit immanent et non transcendant, autrement dit qu’il soit un Dieu à la base de toute chose en existant dans les choses elles-mêmes. Ainsi selon Spinoza Dieu est partout, il est en toute chose, c’est en ce sens qu’il s’assimile à la Nature. Par conséquent, la Nature, en tant qu’elle s’assimile au divin, ne peut pas être autre chose que la norme pour l’être fini qu’est l’homme puisqu’il est lui-même cause de cette nature divine incarnant à la fois l’ordre et le monde organisé. B. La Nature est le paradigme par lequel l’homme perçoit et vit, par conséquent tout ce qu’il voit est réglé par la nature. Thomas Kuhn, Les structures des révolutions scientifiques, 1962 La Nature, considérée comme l’ensemble des phénomènes naturels nous environnant et considérée comme explicable par les sciences dites « dures », est comme un prisme à travers lequel l’Homme voit le monde. La Nature définit en effet la normalité, au sens où elle fixe un point de départ à partir duquel évoluent les choses, il est donc instinctif de considérer le naturel comme normal. Paradigme (terme Kuhnien)Ensemble des méthodes et pratiques partagées par une communauté scientifique. En d’autres termes un paradigme est une manière de voir le monde, un cadre ou un prisme par lequel les scientifiques abordent le monde. D’une manière imagée, le paradigme est une paire de lunette que l’on porte et qui nous montre le monde d’une certaine manière. Quand ce paradigme change, c’est comme si l’on changeait de lunettes et que l’on voyait le même monde mais d’une manière différente. Pour utiliser un terme Kuhnien la Nature est comme un paradigme qui englobe tous les événements possibles et qui délimite notre horizon de compréhension. En d’autres termes, la Nature est le cadre dans lequel l’Homme évolue, et a toujours évolué, par conséquent pour sortir de ce cadre, il faudrait pour l’Homme, réaliser un effort surnaturel en vue de considérer que le naturel n’est pas normal. Mais... Est-ce que cet effort surnaturel est envisageable ? Et qu’est-ce qui, chez l’homme, permettrait de réaliser cet effort ? ExempleL’un des arguments contre l’homosexualité a longtemps été qu’elle est contre nature, c’est-à-dire anormale et que la « norme » est ce qui est « naturel » , à savoir l’hétérosexualité. Par conséquent, pendant longtemps ce qui était considéré comme normal était ce qui était considéré comme naturel. Néanmoins cet argument est très limité d’une part puisque la nature regorge elle-même d’exemple de pratiques homosexuelles et d’autre part que l’homme n’est précisément pas un être qui se limite à sa « nature » et qu’en pleine conscience de son être il tend vers un progrès constant. Nous verrons cela dans la troisièle partie. C. La nature contient en elle-même le germe de l’anormalité, c'est le cas de l’art. Comment concevoir la possibilité d’une sortie de la naturalité propre de l’Homme et donc de sa normalité ? L’art est le monde dans lequel l’anormalité devient la norme. Autrement dit, le monde dans lequel les cartes sont rebattues et les règles auparavant considérées comme absolument fondamentales sont ignorées ou modifiées. Par conséquent l’art joue le rôle d’un outil émancipateur pour l’Homme enfermé dans un paradigme réducteur. Très simplement d’abord, les romans, les peintures, les films, les musiques, décrivent très souvent des cadres imaginaires et irréels. Ainsi, dans un sens très restreint, d’abord, l’art permet de se détacher du naturel, au sens de réalité physique régie par des lois. Mais là où l’art permet de se détacher fondamentalement du paradigme naturel et normé qu’est la Nature, c’est lors d’un mouvement de remise en question de nos propres perceptions et de la manière dont la réalité est perçue, qu’il s’agissent d’une réalité physique (la faune et la flore), sociale (les relations interpersonnelles dans la société), économique (les systèmes économiques en vigueur) ou politique (les régimes politiques et les dirigeants). Par conséquent cette seconde manière de voir le rôle de l’art permet de questionner à nouveau la normalité au sens où elle remet en question un cadre de pensée jusqu’alors accepté. ExempleAlison Lapper est une peintre, photographe et graphiste anglaise atteint d’une maladie la privant de bras et de jambes. Elle prend notamment beaucoup son propre corps comme modèle pour rompre avec les standards de l’art. La statue Alison Lapper Pregnant réalisée par Marc Quinn est une œuvre ayant par exemple pour modèle une photo de A. Lapper enceinte. Cette artiste marque ainsi doublement sa rupture avec les canons de l’art contemporain, d’une part en rompant par sa personne même à l’idée de « normalité » fondée sur l’idée de « naturalité » de l’Homme qui doit être « normalement » constitué en ayant quatre membres et toutes ses capacités motrices. Elle rompt également par son œuvre en se prenant pour modèle. Transition L’être humain est par conséquent un être qui, dans son rapport artistique au monde peut se détacher de ce que l’on considère comme normal. Seulement, si la possibilité de me détacher de la norme par l’art n’était pas dans la nature humaine, comment aurait-il pu accéder à une telle capacité ? L’art, partie intégrante de la nature humaine, est par conséquent la preuve que l’Homme possède en lui le germe de l’anormalité et du repoussement des limites. III. Est-ce que le « normal » existe ? Ou est-ce qu’il est une manière dont l’Homme, en tant qu’être ayant besoin de repères stables, décide de réduire la Nature à quelque chose de défini et ordonné, alors qu’elle est constamment en mouvement ? A. L’Homme vise par nature au dépassement de soi-même donc de sa propre nature, dès lors la norme est la constante volonté de dépassement de soi, ddonc la normalité, chez l’homme, est le dépassement de la norme... L’être humain est dans une constante recherche de performance, de dynamisme et donc de dépassement. Cette manière de penser arrive avec l’avènement d’un mode de vie capitaliste plaçant la productivité, l’excellence et la compétition aux fondements de toute réflexion. En effet, le citoyen athénien de l’antiquité n’était pas dans une recherche infinie de perfectionnement puisqu’il savait qu’il n’était qu’un être imparfait et fini. La notion de « dépassement de soi » est par conséquent une caractéristique de l’Homme moderne qui, par des moyens variés notamment le progrès technique, tente de devenir meilleur. Le cas du sportif de haut niveau. Le sportif de haut niveau cherchera toujours une performance supérieure à la précédente. Le coureur cycliste cherchera ainsi, à aller plus vite, et pour atteindre ce but de dépassement de soi il utilisera différents moyens à sa disposition en allant du progrès technique (installer un petit moteur sur le vélo), jusqu’à l’entrainement acharné en passant par le dopage. Les perfluocarbures (PFC), sont par exemple des substances considérées comme du dopage puisqu’elles permettent de transporter plus facilement l’oxygène dans le corps des coureurs cyclistes et ont donc été interdites. C’est un cas où l’Homme, par besoin de dépassement de soi a même besoin, pour réguler la compétition et prendre soin de la santé des sportifs, d’être régulé par un organisme extérieur. Ainsi, le sportif, tout comme l’Homme de manière générale, tend naturellement à une recherche de performance, ce qui implique une évolution, et donc un dépassement de soi. Tout ceci nous mène à considérer le dépassement de soi, de sa propre nature, de ce que l’on est, comme normal. Par conséquent, ce qui est « normal » chez l’Homme, est de sans cesse remettre en question ce qui chez lui est « naturel ». Transition Le fait que dans la nature de l’Homme réside le germe même du dépassement de soi et du repoussement des limites, marque la possibilité, dans la nature elle-même, de se modifier. En élargissant le cas de la nature humaine à celui de la Nature dans sa globalité, est-il vraisemblable de penser qu’elle contient en elle-même le germe de son évolution future ? Ou bien, le cas de l’Homme est-il une exception ? B. La Nature elle-même, au-delà de l’exemple particulier de l’homme, est en progrès constant et remet en question la notion de normalité, puisque la norme est un état de la Nature à un instant donné. La faune et la flore qui constituent l’environnement naturel sont en constante évolution, et à l’échelle de la vie de la planète ou de l’humanité il n’est pas possible de définir de « norme » ou de « normalité ». Par conséquent, la Nature n’est par « normale » mais ce sont des moments précis que l’homme a considéré comme tel et qu’il a décrit comme normés et normaux. La Nature ne rentre pas dans des cases. Mais c’est dans un souci de clarté et pour assouvir son besoin de connaissance que l’homme tente de lui trouver des explications rationnelles. Héraclite considère, par exemple, que le monde est en perpétuel changement et se modifie sans cesse à travers le temps. Il dit à ce propos : « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. » On pourrait ainsi dériver de la doctrine de cet auteur du VIe siècle av. JC, que la Nature est elle aussi en perpétuelle évolution et ne saurait être réduite à une ligne directrice qu’elle suivrait. En somme, même si les rives du fleuve reste les mêmes, l’eau qui coule change constamment. De la même manière, même si les limites physiques de la planète Terre restent les mêmes, la Nature en tant que faune et flore évolue sans cesse. La théorie de l’évolution de Charles Darwin permet par exemple de rendre compte de cette dynamique. ExempleLe « phalène du bouleau » est une espèce de papillon de nuit qui a progressivement changé de couleur en passant du blanc au noir. Ce papillon s’est adapté à son environnement pour survivre. En effet, les rejets de charbon ont, en Angleterre, progressivement noircit les troncs des bouleaux, ce qui a rendu les papillons de plus en plus visibles, d’où leur changement de couleur pour se fondre plus aisément dans le décor. Cette métamorphose s’est faite au même moment que la révolution industrielle et correspond par conséquent à l’influence de l’homme sur son environnement. Transition Si la Nature est en perpétuel changement et que c’est l’homme qui tente de la normaliser en la réduisant à une norme à un instant T, alors comment comprendre autrement la science naturelle, qui tente d’expliquer le réel, que comme un outil obsolète qui doit se renouveler et avancer avec la Nature ? Autrement dit, notre conception de la Nature ne dépend-t-elle pas du des outils et du cadre par lequel le scientifique l'étudie ? C. La Nature en tant que régie par des lois naturelles est une conception résultant d’une considération de l’état de la science à un moment donné, en effet la transformation des procédures scientifiques détermine la manière dont on se rapporte à la Nature. Michel Foucault, Les Mots et les Choses, 1966 Les outils et méthodes permettant l’étude de la Nature évoluent en même temps que l’être humain et lui permettent d’avoir un regard différent sur son objet d’étude. La Nature conçue comme un ensemble de phénomènes régis par des lois scientifiques se révèle en fait être une certaine manière de lire ces phénomènes sur une période afin de stabiliser la perception de ces phénomènes. Or, cette lecture humaine est purement arbitraire et tributaire de l’époque et de l’état de la science au moment où cette lecture a été faite. L’histoire naturelle du XVIIe siècle Au sens large, l’histoire naturelle est l’étude des objets observables dans la Nature. Elle s’attache donc à la description du réel, du visible. L’histoire naturelle peut ainsi paraître simple et naïve pour des scientifiques et citoyens du XXIe siècle puisqu’elle s’attache seulement à décrire le réel. Mais elle n’était pas possible auparavant et le fait de parvenir à simplement décrire le réel constituait déjà une avancée conséquente. « En fait, ce n’est pas une inattention millénaire qui s’est soudain dissipée, mais un champs nouveau de visibilité qui s’est constitué dans tout son épaisseur. » (Michel Foucault, Les mots et les choses, 1966). Ce que dit Foucault ici est que cette discipline a permis non pas seulement d’ouvrir les yeux sur des choses auparavant visibles mais auxquelles on ne prêtait pas assez attention, mais surtout que certaines choses étaient invisibles pour le scientifique étant donné le cadre par lequel il observait la Nature : autrement dit comme un regroupement désordonné de phénomènes sans structure. Avec l’histoire naturelle arrive d'une part l’observation et d'autre part le fait de faire du tri dans ce qui est observé. Par exemple, la suppression de l'usage des sens du goût ou de l’odorat dans des démonstrations scientifiques. La réelle révolution est celle de la structuration et de l’organisation du réel, elle se rapproche davantage d’une théorie du langage que de ce que nous entendons aujourd’hui par biologie puisqu’elle vise à classer et à étiqueter ce qui existe et qui est visible. CONCLUSION Bilan En somme, les notions de normalité et de naturalité forment un duo qui a du sens et qui permet de mieux comprendre le réel et la manière dont les Hommes ont construit leur rapport au réel. D’abord, ce qui est naturel est ordonné et organisé par une multitude de lois, et donc fait entrer une certaine régularité dans la nature humaine comme dans l’environnement naturel. La nature est par conséquent normée parce qu’elle rentre dans un certain cadre. De plus, étant donné le cadre limité par lequel l’Homme analyse le réel, il ne peut pas considérer autrement la nature que quelque chose de normal, en tant qu’il n’a rien connu d’autre que cela. Enfin, au terme de notre étude, il semble que l’idée de norme et de normalité relève d’un besoin humain de tout rationaliser et de tout avoir sous son contrôle, sans que cela renvoie nécessairement à la réalité. Réponse à la problématique Ainsi, il n’est pas possible de considérer le naturel comme anormal si l’on se place dans un cadre purement humain et rationnel. Seulement, grâce à des exceptions comme le cas de l’art ou de la philosophie, il est possible de se rendre compte de la fragilité et de l’absurdité de la structure que l’Homme attribue à la nature. En effet, considérer la nature comme normale ou anormale est une anthropomorphisation de la nature, qui n’est ni normale ni anormale et qui évolue indépendamment de l’Homme.