Pourquoi les individus s’engagent-ils dans des actions collectives ?
Amorce
Dans Les logiques de l’action collective publié en 1966, Mancur Olson met en évidence qu’en tant qu’être rationnel l’individu n’a pas intérêt à s’engager politiquement. Il ne suffit pas qu’un groupe ait un intérêt commun et même les moyens de le réaliser pour que tous les individus le composant se mobilisent.
Définitions des termes du sujet
L'engagement politique est une action individuelle ou collective destinée à conquérir le pouvoir ou à l'influencer pour faire évoluer la vie de la société. L’action collective désigne la mobilisation collective d’individus ou de groupes d’individus dans le but d’atteindre un but commun. Il existe une pluralité de modes d’action collective, Charles Tilly parle du répertoire de l’action collective pour désigner la diversité des moyens d’agir.
Problématique
Si les individus n’ont pas, rationnellement, intérêt à s’engager politiquement, comment expliquer des mobilisations aient lieu ?
Annonce du plan
Nous allons montrer que l’action collective peut s’expliquer par trois grands ensembles de raisons : d’abord par l’existence d’incitations sélectives, ce qui répond à une vision que l’on peut qualifier d’utilitariste de l’engagement politique, ensuite, par les rétributions symboliques, qui désignent les avantages non matériels que peuvent retirer les individus de leur participation à des actions collectives, et enfin, par l’environnement économique, social et politique, autrement dit par ce que l’on appelle la structure des opportunités politiques.
Pour contrer le problème du paradoxe de l’action collective, certaines organisations ont mis en place des incitations sélectives qui abaissent le coût de la participation (incitation sélective positive) ou au contraire augmentent le coût de la non-participation (incitation sélective négative).
Les incitations sélectives ont pour but d’encourager les individus à adhérer à certaines actions collectives. Ainsi, certains salariés mettent en place des caisses de grèves au sein de leurs entreprises qui permettent de verser une compensation monétaire aux personnels grévistes et d’abaisser de cette manière le coût financier de la participation.
Il s’agit ici de mesures visant à réduire le coût de la participation à l’action collective. Il existe également d’autres mesures, visant à inciter les individus à s’engager, on parle alors d’incitations sélectives négatives.
Les incitations sélectives négatives sont des mécanismes qui augmentent le coût de la non-participation. Ce type d’incitations pénalise ceux qui ne s’engagent pas. Il s’agit le plus souvent de mesures sociales : exclusion du groupe de pairs en cas de non-participation à une grève par exemple, mais pas toujours. Ainsi certains pays du monde ont rendu le vote obligatoire, l’abstention est y passible d’une amende : c’est le cas en Australie ou encore en Belgique. Le vote est aujourd’hui obligatoire dans 22 pays du monde.
Transition
Nous avons vu que les incitations sélectives sont un mécanisme permettant d’expliquer la participation des individus à des actions collectives. Pour autant ces incitations sélectives ne sont pas toujours nécessaires, car certains individus se mobilisent au profit d’une cause collective et sans chercher forcément un intérêt individuel.
L’engagement politique n’entraine pas que des gains économiques mais peut procurer d’autres formes de satisfaction. La notion de rétributions symboliques a été introduite par Daniel Gaxie. Selon lui il fallait pouvoir expliquer la mobilisation politique des individus autrement que par la défense d’une cause ou d’une idée de manière dévouée et désintéressée.
Les rétributions symboliques peuvent se traduire au niveau individuel par la satisfaction de partager un engagement commun, de se conformer à un code moral valorisant (manifestation Black Lives Matter, consommation de produits bio, locaux…), ou encore de participer à des évènements dont l’ambiance est festive.
La rétribution symbolique de l’engagement peut également passer par des éléments plus visibles. Il peut s’agir par exemple de la recherche de pouvoir ou de notoriété en accédant à des positions prestigieuses au sein de son organisation.
Transition
Enfin, l'environnement socio-politique influence également l'émergence ou non d'actions collectives.
Enfin, la structure des opportunités politiques peut faciliter, ou au contraire réduire, la possibilité de s’engager en politique. Pour rappel la structure des opportunités politiques désigne les caractéristiques du contexte politique qui influencent les chances d’un mouvement social d’atteindre ses objectifs.
Certains éléments sont identifiés comment favorisant l’émergence d’actions collectives, parmi eux on peut citer : un système politique démocratique, l’existence d’un état de droit et la présence d’espaces de débats et de réflexion. Par ailleurs, les périodes et de non croissance économique et d’aggravation des inégalités économiques et sociales ont tendance à augmenter le mécontentement et le nombre d’actions collectives (manifestations, grèves, boycott…). Enfin, la présence au sein de la structure sociale d’une majorité de personnes hautement diplômées a tendance à augmenter l’engagement politique.
Tout d’abord, dans un contexte de forte répression des militants et où les revendications ont peu de chance d’aboutir il est probable que l’engagement politique sera moins important que dans un contexte où la revendication est possible, permise et susceptible d’atteindre ses objectifs. Ensuite, en ce qui concerne l’analyse de la structure sociale : les pays où la population est jeune, ont plutôt tendance à connaitre de fort taux d’abstention, les jeunes étant généralement moins engagés en politique.
Ainsi, trois grandes familles d’éléments permettent d’expliquer l’engagement politique des individus malgré le paradoxe de l’action collective : les incitations sélectives qui abaissent les coûts de la participation ou au contraire augmentent ceux de la non-participation, les rétributions symboliques (pouvoir, notoriété, satisfaction personnelle…), les opportunités politiques liées à une situation plus ou moins favorables à la mobilisation collective comme le niveau de mécontentement ou la capacité du mouvement à s’organiser.