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COMMENT LUTTER CONTRE LE CHÔMAGE

Sujet corrigé de dissertation

Quels sont les effets de la flexibilité du marché du travail sur le taux de chômage ?

Introduction

Amorce.

Dans un ouvrage intitulé Changer de modèle, publié en 2014 l’économiste français Philippe Aghion, professeur à l’Ecole d’Économie de Paris propose (au côté de Gilbert Cette et Elie Cohen) trois mesures qu’il nomme les « big bang » pour réformer le système économique français. Il appelle en outre à une libéralisation du marché du travail qui passerait par une baisse de la fiscalité et un désengagement des partenaires sociaux pour des négociations plus directes entre les différents intervenants sur le marché du travail. Il n’est pas le seul économiste à invoquer en France plus de flexibilité sur le marché du travail afin de redonner de la compétitivité à l’économie française et surtout de réduire le chômage.

Définitions des termes du sujet.

La flexibilité du marché du travail désigne la possibilité pour les entreprises d’adapter facilement et rapidement la quantité de facteur travail aux fluctuations économiques et notamment à la demande qui leur est adressée. Il s’agit donc de pouvoir embaucher facilement et rapidement en cas de hausse soudaine de la demande afin de pouvoir ajuster en temps réel l’offre de biens et services et également de pouvoir licencier facilement en cas de ralentissement de la conjoncture économique. Le taux de chômage rapporte le nombre de chômeurs au total de la population active, autrement dit il s’agit de la part de personnes en âge de travailler, sans emploi et à la recherche active d’un emploi, au sein de la population active totale.

Problématique.

La flexibilité du marché du travail permet-elle d’assurer le plein emploi dans une économie ?

Annonce du plan.

Nous verrons dans une première partie que la flexibilité du marché du travail permet, selon la théorie néoclassique de réduire le chômage ; et dans un second temps nous nuancerons cette idée, en montrant que d’autres éléments sont à prendre en considération pour permettre le plein emploi, et que d’après Keynes, la flexibilité du marché du travail peut avoir des effets pervers, contribuant au contraire à augmenter le taux de chômage à long terme.

I. La flexibilité du marché du travail permet de réduire le taux de chômage selon les néoclassiques…

A. L’analyse néoclassique du chômage découle de leur analyse du marché du travail…

Selon les néoclassiques, le marché du travail est un marché comme les autres sur lequel se rencontrent l’offre et la demande de travail. L’offre de travail est constituée par les travailleurs et la demande de travail par les entreprises. Le marché du travail est ainsi le lieu (fictif) de rencontre entre l’offre et la demande travail, le point de rencontre entre ces deux variables permettant d’établir le niveau du salaire d’équilibre. Sur un tel marché, le prix du travail, le salaire, s’ajuste en fonction des variations de l’offre et de la demande. Ainsi, le salaire augmente si la demande de travail augmente ou que l’offre diminue et diminue si l’offre augmente ou si la demande diminue.

D’un point de vue théorique, le chômage correspond à un excès d’offre de travail (trop d’individus cherchant un emploi sur le marché du travail) ou à une insuffisance de demande de travail (trop peu d’entreprises cherchant à embaucher sur le marché du travail).

Pour les néoclassiques le chômage est un symptôme d’un dysfonctionnement sur le marché du travail. Il reflète l’incapacité des salaires à baisser pour permettre à l’offre et à la demande de travail de s’équilibrer. Ainsi, pour réduire le chômage, d’après l’analyse néoclassique, il faut que le nombre de personnes souhaitant travailler diminue et/ou que le nombre d’entreprises souhaitant embaucher augmente. Pour ce faire, il faut que le salaire puisse s’ajuster à la baisse rapidement. En effet, si le prix du travail diminue, plus d’entreprise voudront embaucher et moins d’individus voudront travailler ce qui permettra un retour au plein emploi.

Le chômage dans les sociétés actuelles résultent pour les néoclassiques de rigidités sur le marché du travail qui prennent la forme de rigidités institutionnelles créées par l’intervention de l’État . Ils critiquent notamment l’existence d’un salaire minimal qui maintient le salaire artificiellement haut et empêche l’offre et de la demande de travail de se rencontrer et de permettre l’équilibre sur le marché, les charges sociales et la fiscalité trop élevées qui contribuent à accroitre le coût du travail et découragent l’embauche par les entreprises.

Transition

C’est sur la base de ses principes théoriques néoclassiques que certains économistes proposent la flexibilisation du marché du travail comme une solution au chômage.

B. … Et justifie leur proposition de flexibiliser le marché du travail pour réduire le chômage.

Un marché du travail flexible supprime un ou plusieurs facteurs de rigidité parmi lesquels les négociations collectives sur les salaires, les conventions collectives sur les contrats de travail, les cotisations sociales, la protection des travailleurs contre les licenciements, les impôts excessifs sur la production…

Ces rigidités favorise le chômage de plusieurs manières. Les cotisations sociales et les charges patronales augmentent le coût total du travail, font augmenter le salaire et découragent les entreprises à embaucher. Les impôts sur la production et les bénéfices réduisent la rentabilité et la compétitivité des entreprises qui par conséquent vont moins produire et donc avoir besoin de moins de travailleurs. La protection des travailleurs contre les licenciements et les CDI, très rigides, rendent très difficiles les licenciements en cas de baisse de l’activité ; cet élément rend les entreprises très prudentes au moment d’embaucher. Enfin la protection sociale et notamment les allocations chômage n’incitent pas les chômeurs à chercher du travail et créent des « trappes a inactivités ».

La flexibilisation du marché du travail a pour objectif de supprimer ces rigidités afin de permettre au marché de fonctionner librement, et au prix de jouer son rôle de signal pour que l’offre et la demande de travail puissent s’ajuster et s’égaliser.

Lorsque le marché du travail est flexible, les salaires baissent lorsque l’offre de travail venant des chômeurs (offreurs de travail / demandeurs d’emploi) est supérieure à la demande de travail (émanant des entreprises). Dans ce cas, le nombre de demandeurs augmente puisque le coût salarial baisse, et le nombre d’offreurs baisse, autrement dit, certains individus sortent du marché du travail car ils jugent les salaires trop bas : ils arbitrent entre temps de loisirs et temps de travail et font le choix de ne plus offrir leur travail. Ce mécanisme permet un retour à l’équilibre du marché du travail ; autrement dit une égalisation de l’offre de travail et de la demande de travail qui élimine le chômage.

Transition

C’est sur la base de ces principes que de nombreux pays anglo-saxons ont adopté des modèles de marché du travail beaucoup plus flexibles que le marché du travail français, leur permettant d’afficher des taux de chômage plus faibles qu’en France, mais assurant à leurs citoyens une moindre sécurité sociale, et créant également une frange nouvelle dans la population : les « working poors », ou travailleurs pauvres.

Par ailleurs, la flexibilisation du marché du travail comme outil de réduction du chômage occulte un élément important de la dynamique économique : la demande globale. La prise en compte de la demande remet en en effet en question l’efficacité de la flexibilité du marché du travail pour réduire le chômage.

II. D’autres éléments que le libre fonctionnement du marché participent au plein emploi, et remettent en cause la flexibilisation du marché du travail comme outil de réduction du chômage

A. Le niveau d’emploi dépend de plusieurs facteurs

Plusieurs éléments peuvent influencer le niveau de l’emploi et amènent à nuancer l’idée que la flexibilité du marché du travail soit l’unique solution efficace pour réduire le chômage.

Tout d’abord, la croissance économique est un élément essentiel prendre en compte. La croissance économique désigne l’augmentation de la production de biens et service sur une longue durée. Si la production augmente, cela signifie que les entreprises ont dû augmenter leur capacité de production et notamment investir et embaucher, ainsi la croissance économique est associée à une hausse de l’investissement et à une hausse de l’embauche de la part des entreprises.

La productivité du travail influence également le taux de chômage. La productivité du travail rapporte la quantité de biens et services que des travailleurs produisent à une durée donnée (une journée, une semaine, un mois…). Si la productivité du travail augmente alors les travailleurs produisent la même quantité de biens ou services qu’avant en moins de temps ou produisent plus, dans le même temps. La hausse de la productivité du travail peut avoir deux effets sur le chômage. D’un côté la hausse de la productivité peut se traduire par un besoin de de travailleurs moindre pour produire la même quantité, l’effet sur l’emploi est donc négatif, et dans cette perspective la hausse de la productivité aurait tendance à augmenter chômage. D’un autre côté, la hausse de la productivité du travail peut inciter les entreprises à remplacer du capital par du travail autrement dit à substituer du travail au capital, ce qui aurai un effet positif sur l’emploi, et contribuerait à réduire le chômage.

Un troisième élément que l’on peut évoquer dans les déterminants de l’emploi est la croissance de la population active. Si, la croissance démographique est forte, l’offre de travail augmente, il y a plus de personnes sur le marché du travail, ce qui peut avoir tendance, si la croissance économique n’est pas suffisante, à augmenter le taux de chômage.

B. Dans une perspective keynésienne, la flexibilité du marché du travail peut fragiliser la demande et créer du chômage

Si la flexibilité du marché du travail apparait dans la perspective néoclassique comme une solution logique et efficace de réduction du chômage, elle ne l’est pas dans la perspective keynésienne.

En effet chez Keynes, la demande globale est l’élément central de la dynamique économique, le moteur même de la croissance. La flexibilité du marché du travail présente alors certains risques. Entre autres, la mise en place de politiques de flexibilisation du marché du travail risque de réduire la quantité totale de revenus distribués aux travailleurs et de créer des travailleurs pauvres.

Autrement dit, le danger de ce type de politiques est de créer une population dans laquelle une part importante travaille mais gagne peu et par conséquent consomme peu. L’expression travailleurs pauvres désigne des personnes qui ont un emploi et travaillent toute l’année mais qui vivent malgré tout en dessous du seuil de pauvreté. En 2016, 9,5% des travailleurs allemands et 7,6% des travailleurs français étaient considérés comme pauvres. En 2020 le taux de chômage en Angleterre était inférieur à 4%, mais le pays recensaient 5,2 millions de travailleurs vivant en dessous du seuil de pauvreté. La flexibilisation du marché du travail présente donc un sérieux danger de créer des travailleurs pauvres en supprimant les aides sociales destinées à maintenir le niveau de vie des plus démunis.

D’un point de vue économique, de faibles revenus se traduisent par des faibles niveaux de consommation. Or la consommation est un déterminant essentiel de la demande globale, et une si la demande globale est faible alors les entreprises anticipent un niveau de production à venir faible également, investissent peu et embauchent peu ce qui crée du chômage et un cercle vicieux se met en place : chômage, faibles revenus, faible niveau de consommation, faible demande, faible production, et donc pas d’embauche.

La logique keynésienne, qui fait de la demande un élément central, voudrait qu’au lieu de flexibiliser le marché du travail, les pouvoirs publics mettent en place des politiques de soutien de la demande passant par une augmentation du salaire minimum, une augmentation des allocations destinées aux ménages les plus pauvres, des grands travaux financés par l’État, tout cela dans le but d’accroitre les revenus et de relancer la consommation, et in fine la demande globale.

Conclusion

En conclusion, la question des effets de la flexibilité du marché du travail sur le chômage est ambiguë. Dans une première partie nous avons vu que selon les néoclassiques, la flexibilité est un moyen de réduire le chômage, en donnant plus de souplesse aux entreprises qui peuvent plus facilement ajuster le volume d’emploi à la production, et en permettant au salaire de baisser pour atteindre son niveau d’équilibre, et ainsi de réduire l’excès d’offre de travail sur le marché.

Cependant, dans un second temps, nous avons vu aussi que d’autres éléments peuvent influencer le taux de chômage tels que la croissance économique, la productivité du travail, ou la croissance démographique, et également que dans une optique keynésienne, la flexibilité du travail peut avoir des effets négatifs sur la demande globale ce qui crée un cercle vicieux alimentant faible production et chômage.

La question des politiques de l’emploi demeure donc ouverte : flexibilité ou soutien de la demande ?

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